Si par le passé, l'Histoire nationale et continentale ne nous était pas enseignée à dessein, depuis l'explosion des moyens de communications modernes, celle-ci est de moins en moins méconnue. Et cette transformation du processus d'acquisition de la connaissance nous éclaire de mieux en mieux et de plus en plus vite sur les vérités factuelles
Qu'il soit bien clair que je ne compare pas forcément les personnes, mais essentiellement les situations !!!
En 1960-1961 : Le 4 septembre 1960, Kasa-Vubu annonce à la radio la révocation de Lumumba ainsi que des ministres nationalistes ; il le remplace par Joseph Iléo. Mais Lumumba décide de rester en fonction; Puis, à son tour, Lumumba révoque le président Kasa-Vubu, sous l'accusation de haute-trahison et appelle à Léopoldville une partie des troupes de l'Armée Nationale Congolaise, stationnées à Stanleyville au Kasaï. Ce que la "Communauté internationale" dénoncera alors, d'une part parce qu'elle l'estime illégale, et d'autre part parce que Lumumba est l'indésirable au pouvoir. Et ceci malgré le vote d'une motion de maintien par le conseil des ministres et le Parlement.
Quand il se fait arrêter début décembre 1960, avec le concours des casques bleus ghanéens, Lumumba est présenté à l'opinion internationale comme un bandit, un va-t-en-guerre, un communiste, et pour peu, un dictateur (malgré sa brièveté au pouvoir). Et quand il est assassiné en janvier 1961, seuls les révolutionnaires de l'époque s'en émeuvent. Les autres Africains, au mieux se taisent, au pire approuvent. L'image de ce héros (comme tout le monde le clame aujourd'hui, 60 ans après) brutalisé dans un camion a fait le tour du monde. Que savons-nous ceux qui trouvaient cela normal, titrant peut-être avec jubilation et délectation "la fin d'un western" par allusion à sa fuite interrompue sur les bords du fleuve ? Ceux qui défendaient Moïse Tshombé ou qui trouvaient que Mobutu avait eu raison de commettre son premier coup d'Etat ?
40 ans plus tard où tout le monde connaît la vérité et reconnaît la juste cause défendue par Lumumba, malgré certaines de ses erreurs politiques (dont celle d'avoir laissé Mobutu s'introduire dans son entourage), personne ne rappelle les prises de positions de ces Africains anti-Lumumba qui jubilaient en janvier 1961, se croyant alors dans le "bon sens de l'histoire". Heureusement pour ces journalistes, hommes politiques, et citoyens engagés qui se sont ainsi exprimés à ce moment-là, leurs propos n'ont pas laissé de traces. Et ils peuvent aujourd'hui avoir bon dos de faire oublier leurs ricanements face à cette arrestation et cet assassinat odieux.
En 2010-2011 : Ce qui a changé aujourd'hui, c'est que ce que nous écrivons (nous tous, moi compris), laisse des traces. Et les historiens ont de plus en plus d'éléments pour décrire la réalité et situer les responsabilités. A titre d'exemple, nous avons récement lu pour certains, le livre de Tatsita, Deltombe et Domergue sur la guerre cachée au Kamerun. Les éléments écrits ont permis de décrire avec sérieux les stratégies que la France et ses valets ont utilisées pour désinformer, manipuler et réprimer des populations kamerunaises.
Pour revenir donc à la situation ivoirienne, lorsque nous aurons mieux compris :
- ce contre quoi les rebelles se seraient insurgés en 2002 et qu'ils auraient d'abord tenté en vain d'obtenir démocratiquement, moins de 2 ans après la prise de fonction de Gbagbo
- comment et pourquoi ces rebelles ont été légitimés moins de 4 mois après leur partition du pays par les tractations de Marcoussis
- pourquoi, après les accords de paix successifs, la CEI s'est retrouvée, dans sa composition, très majoritairement anti-Gbagbo (une CEI au dessus de tout soupçon...)
- pourquoi le désarmement des rebelles n'a pas été exigé par la communauté internationale (pro)-occidentale avec la même vigueur que cette même communauté a mise à soutenir et à financer l'organisation d'élections courues d'avance dans ces conditions,
- pourquoi le conseil constitutionnel n'a pas tout simplement annulé toute l'élection, ayant constaté les nombreuses fraudes attestées par tous dans le CNO.
Lorsque nous aurons compris tout cela, et lorsque le temps faisant, tout ce qui nous est servi aujourd'hui comme des évidences sera alors plus clair (et certainement moins "évident"), nous pourrons alors revisiter chacun nos prises de positions actuelles.
Et comme le temps passe très vite, très très vite (n'est-ce pas nous voici en 2011 au Kamerun, 3 ans après 2008 ; nous voici 9 ans après le putsch manqué de 2002 en Côte d'Ivoire), nous serons tous très surpris de devoir déjà nous relire à la lumière de ce qu'on aura tous "découvert" entretemps.
Pour le reste, il n'est pas dit que la victoire annoncée de l'ONUCI et de l'armée française en Côte d'Ivoire (et dont les rebelles ramasseront sans honte les lauriers), quand bien même elle serait effective et totale, consacrera cette véritable démocratie que d'aucuns croient fixée sur le bout des roquettes françaises.
A l'heure où j'écris ces lignes, l'Histoire est en marche, et cette marche ne s'arrête jamais. Comme l'Afrique, la Côte d'Ivoire, cette nation qui n'en finit pas de naître difficilement depuis la résistance à l'occupation française, ne perdra jamais! Quelle que soit la durée de la guerre, l'intensité des batailles, la forme du combat et la nature des ennemis.
Et comme disait Lumumba, "L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud dun Sahara une histoire de gloire et de dignité." Et je me permettrai d'ajouter "Ce ne sera pas non plus l'histoire des résolutions onusiennes, des informations mensongères et des prétextes politiques diffusés dans les médias de Bruxelles, de Washington, de Paris et des Nations Unies".
Fraternelles et patriotiques salutations à toutes et tous.