William Sohaing, 28 ans, le dernier fils de son père, est tombé du douzième étage de ce quatre étoiles, une propriété familiale. C’était hier mardi 19 avril 2011 à Douala.
Tout présageait pourtant une fin d’après-midi tranquille dans la capitale économique du Cameroun, Douala. Que non! Dès 15h30mn, le boulevard de la Liberté où est situé l’hôtel Akwa Palace, un quatre étoiles couru, est littéralement envahi par des curieux, badauds et autres passants. Ils veulent à tout prix savoir ce qui se passe et si la nouvelle est “ vraie ”. Ils ne tarderont pas à le savoir. “ C’est grave, le corps d’un homme tombé du haut de l’hôtel est sur la chaussée ”, s’écrie une dame affolée par le spectacle qu’elle voit. On perçoit sur le macadam brûlant, un corps de teint clair et pâle, allongé sur le dos. Les deux mains sur la poitrine, le mort porte un pantalon bleu nuit déchiré et partiellement baissé, laissant entrevoir la culotte. Sa chemise à carreaux noir et blanc laisse transparaître son ventre. Une légère mare de sang boucle le décor pour le moins macabre. “ Curieux, pour une telle chute ” analyse un fonctionnaire de police. Selon des témoignages concordants, le mort est un des fils du milliardaire camerounais bien connu, André Sohaing : William Sohaing, 28 ans. (Image @Journal du Cameroun)
Les forces de l’ordre aussitôt arrivées ont déjà sécurisé le périmètre et toutes les issues sont bloquées lorsque le reporter de Le Messager arrive sur les lieux. Sur la chaussée, Francis K. la trentaine, employé d’une huilerie à Bonabéri, venu en ville pour régler un souci de téléphone, est ainsi condamné, contre son gré, à assister en “ direct ” à une scène qu’il n’oubliera pas de si tôt: “ Vers 15h30mn, alors que je m’apprêtais à emprunter un taxi pour le rond point, j’ai vu un truc à la forme humaine sortir de là haut [ il pointe le 12e étage de l’hôtel Akwa palace, ndlr] sans se débattre. Ensuite, j’ai aperçu une personne qui s’est penchée de la fenêtre où le jeune homme est sorti et qui a ensuite rabattu les volets ”. Sauf qu’en refermant la fenêtre, un ban du rideau est resté à l’extérieur et du rez-de-chaussée, il est encore visible.
Le triste événement n’est pas sans conséquence sur les activités dans ce boulevard très commerçant. La banque en face opte même carrément pour la fermeture de ses portes. En fait, le boulevard est interdit aux véhicules, sauf celles de la police et auxiliaires sont acceptées. Au fur et a mesure que le temps passe, le boulevard de la liberté ne désemplit pas. Quelques minutes après, le père Sohaing himself sort des salons d’Akwa Palace, en costume sombre, cravate noire sur une chemise blanche, l’air serein et digne, il s’empresse d’interdire, sans doute dans un réflexe de pudeur, toute prise de vue aux journalistes accourus, il est aidé à cela par une jeune dame visiblement déboussolée par la tournure tragique de cette maudite journée. Il s’affalera plus tard sur une chaise que de bras secourables lui proposent.
Macchabée
Entre temps, les flics ont déjà recouvert la dépouille de William Sohaing,. Des éléments de la police s’affairent autour du corps, téléphone en main. Certains, les plus autorisés, montent au désormais tristement célèbre 12e étage pour procéder à une inspection du dernier lieu que William Sohaing aurait fréquenté en vie. Ils attendent apprend-on, le médecin légiste. Ensuite, c’est “ le procureur qu’on attend” indique un officier de police. A 16h51mn, le procureur arrive. Après un briefing des commissaires et officiers de gendarmerie du Wouri, il est escorté au 12e. Le père Sohaing qui s’impatiente, demande que le corps soit mis dans l’ambulance. Il est aussitôt éconduit, car lui dira un de ses proches, “ cette décision est du ressort de l’autorité judiciaire ”. Représentée ici par le substitut du procureur de la République.
Quelques minutes plus tard, ce dernier redescend et ordonne les dernières prises de vue par un photographe agréé. 17h 10, le cadavre de William Sohaing est mis sur une civière de l’ambulance de la Clinique de l’aéroport direction, la morgue de la garnison militaire de Douala. Les choses peuvent reprendre leur cours normal avec sous les chaumières, certainement des thèses des plus rocambolesques aux plus plausibles. L’une d’elles indique que l’infortuné aurait été démis de ses fonctions à la suite d’un conseil d’administration et que la déception qui s’en est suivie pourrait expliquer son geste, même s’il n’est pas définitivement prouvé qu’il s’agit d’un suicide.
Coulisses. Les pleureuses indésirables
Pendant tout le temps qu’il a passé au côté de son fils décédé dans des circonstances encore troubles, André Sohaing n’a pas admis près de lui la présence d’une certaine catégorie de ses parents, surtout les femmes fragiles. C’est ainsi que l’ordre a été donné aux gros bras d’éloigner ces femmes dont les pleurs et les agitations diverses troublaient la concentration du maire de Bayangam. “Le patron ne supporte pas qu’on pleure près de lui. Ça le met hors de lui et il est incapable de réfléchir et de se concentrer. C’est comme ça, même au village. Il encaisse le coup sans trop manifester”. Assis sur une chaise sur la chaussée où gisait son fils pendant des heures en murmurant des paroles inaudibles, il ne libèrera les lieux qu’après le transfert de la dépouille à l’hôpital militaire de Douala.
Médecin personnel contre légiste
Lors de l’expertise médicale obligatoire dans ce genre de drame, le père éploré a exigé que ce soit le médecin de la famille qui procède à l’inspection de la dépouille de son fils, et non le médecin légiste. “Ça va changer quoi si c’est lui qui le fait et pas l’autre ?”. C’est ainsi que l’ambulance de la clinique de l’aéroport est venue sur le site prendre possession du cadavre. Après moult discussions, le milliardaire reviendra à de meilleurs sentiments et c’est finalement le légiste de service qui soulèvera le pagne blanc, et fera quelques attouchements au cadavre, pour finalement s’entretenir dans l’intimité avec les éléments de la police judiciaire en charge de l’enquête.
Pas de prise d’images pour la presse
Au moment où les journalistes en quête d’informations s’activaient sur le lieu du drame pour faire des prises de vue et immortaliser la scène, le milliardaire de Bayangam a formellement interdit à la presse de se rapprocher de la dépouille. C’est ainsi que des gros bras à sa solde ont ouvertement menacé les journalistes qui ont utilisé d’autres moyens et astuces pour faire des photos et images. “Vous n’avez donc aucun respect pour les morts ? Que voulez-vous faire avec ces images ? Vous voulez peut-être qu’on vous laisse aussi manger ce cadavre?”, lance un membre de la sécurité rapprochée du propriétaire de l’hôtel Akwa Palace. Ce qui n’a pas empêché à plusieurs organes de presse d’immortaliser la scène, surtout ceux venus avant le dispositif sécuritaire mis en place par les forces de l’ordre. Ces images ont d’ailleurs été diffusées hier en boucle sur une chaîne de télévision privée locale.