Il était le plus adulé des leaders politiques ivoiriens par les Burkinabè, qui ne supportaient l’exclusion dont il était victime. Considéré pendant longtemps comme victime de « l’ivoirité », la loi d’exclusion inventée et mise en œuvre par son associé d’aujourd’hui, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara a usé de tous les moyens et tous ses réseaux et ses soutiens nationaux et internationaux pour parvenir à ses fins : la conquête du pouvoir d’Etat. Après une rébellion armée qui a coupé le pays en deux pendant près de 10 ans (2002 – 2010), une crise post-électorale qui a fait près de 3000 morts, Alassane Ouattara a pu finalement accéder à la magistrature suprême en Côte d’Ivoire. Passons sur sa responsabilité personnelle, ne serait-ce que morale dans ce drame ! Passons également sur le rôle incontestable de ses hommes dans le massacre post-électoral, notamment pendant et après la prise d’Abidjan en mars 2011.
Les conditions dans lesquelles il a accédé au pouvoir, exigeaient qu’il œuvre à réconcilier la société ivoirienne avec elle-même à travers un processus sincère de vérité, justice puis le pardon. Mais, à peine installé qu’Alassane Ouattara a sollicité de la Cour pénale internationale qu’elle ouvre une enquête sur la crise post-électorale. Mais en fait d’enquête, l’on n’a vu jusque-là qu’une justice des vainqueurs. Seuls Laurent Gbagbo, l’ancien président, et son bras droit Blé Goudé, ont été extradés à la Haye. Des dizaines de partisans de l’ancien président, dont son épouse Simone Gbagbo, ont été pendant longtemps déportés à l’intérieur du territoire dans des casernes gardées par d’anciens chefs rebelles dont certains sont mis en cause dans divers rapports de l’ONU comme auteurs de crimes abominables. Mais Ouattara au pouvoir, la justice est à double vitesse : d’une part, une impunité garantie pour tous « ses » anciens rebelles impliqués dans des crimes et de sang et des trafics en tous genres et, d’autre part, une chasse aux sorcières maquillée par une justice dont l’impartialité et l’indépendance sont plus que douteuses.
En ce qui concerne la gestion quotidienne de l’Etat, Alassane Ouattara a inventé le « rattrapage ethnique » qui vise à permettre aux cadres originaires de la région Nord de la Côte d’Ivoire, hier victimes de l’ivoirité, d’être prioritairement promus aux postes de hautes fonctions dans l’administration et dans les institutions publiques. Et ce n’est pas tout ! Sur le plan politique, Ouattara travaille à exclure systématiquement les pro-Gbagbo, allant jusqu’à instrumentaliser la Justice pour récupérer le parti de Gbagbo ou tout au moins, aider des leaders plus conciliants à son égard à le récupérer. Tout est mis en œuvre pour le bannissement politique de certains Ivoiriens qui ont commis le crime de rester fidèles à Gbagbo.
Après donc un long processus d’auto-victimisation, Alassane Ouattara au pouvoir devient maître dans l’exclusion. Mais depuis que celui par qui il est devenu roi (Blaise Compaoré) a été chassé du pouvoir par son peuple, Alassane Ouattara dévoile définitivement son vrai visage. Il se moque de la démocratie et de la morale politique. En effet, après avoir soutenu son ancien mentor dans sa boulimie, il semble en vouloir au peuple burkinabè d’avoir fait capoter leurs plans et ses tentatives de médiation intéressées. Depuis le début de la Transition, il semble afficher un certain mépris pour le processus en cours et est même suspecté d’être du côté de ceux qui tentent de le saboter et de le faire échouer. Comme si cela ne suffisait pas, il a profité du sommet de la CEDEAO où, avec ses semblables du syndicat des chefs d’Etat qui ont été incapables d’imposer le principe de la limitation des mandats présidentiels dans tous les pays membres de la communauté, pour s’ériger en donneur de leçons d’inclusion au Burkina Faso. C’est l’hôpital qui se moque de charité. Quand un maître de l’exclusion exige des autres l’inclusion, c’est à perdre son latin, surtout quand le ton utilisé frise l’injonction. En effet, de retour du sommet et rendant compte de leurs travaux, le Président Ouattara affirme à la presse ivoirienne que : « En ce qui concerne le Burkina Faso, le sommet a demandé la tenue d’élections inclusives, sans discrimination dans les meilleurs délais, c’est-à-dire comme prévu par les Burkinabè eux-mêmes, le 11 octobre 2014. Et nousavons insisté sur le fait que l’exclusion ne sera pas acceptable. Nous considérons que tout ce qui doit être fait doit être conforme à la Constitution du Burkina- Faso. » Voilà un monsieur qui a encouragé Blaise Compaoré à tripatouiller la Constitution du Burkina Faso et qui veut s’ériger en défenseur de la même Constitution, plus que ceux qui ont risqué leur vie pour la défendre.
Au lieu de se mêler de ce qui ne le regarde pas, Ouattara gagnerait à pratiquer l’inclusion dans son pays en rompant avec cette justice des vainqueurs (en faisant poursuivre Guillaume Soro, ses « com’zones » et tous les mercenaires de son camp) et d’autre part, en mettant finn à cette honteuse pratique du rattrapage ethnique dans l’administration. Après, il pourrait être digne de donner des leçons aux autres. Pour le moment, il est très mal placé pour parler d’inclusion. L’élégance et le respect de la dignité du peuple burkinabè commandaient que Ouattara se contente du communiqué final du sommet qui est loin de ses propos belliqueux. Du reste, il peut crier comme il veut, mais il ne changera rien au processus en cours. Le Burkina Faso sera ce que les Burkinabè voudraient qu’il soit, et rien d’autre ! N’en déplaise aux chantres de l’inclusion et de l’irresponsabilité !
Par Boureima Ouedraogo, Directeur de Publication du journal Le Reporter (Burkina Faso)
Source : Cameroonvoice