Une vidéo des sept otages français enlevés au Cameroun diffusée sur internet
Une vidéo circule sur le site YouTube, ce lundi 25 février 2013, montrant les sept membres d’une même famille de Français, dont quatre enfants, enlevés dans le nord du Cameroun, le 19 février 2013. Ils seraient désormais détenus par la secte Boko Haram au Nigeria, c’est en tous les cas ce que revendiquent leurs ravisseurs dans ce message. Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault affirme que la secte islamiste détient les otages.
Dans cette vidéo qui a été postée sur internet, on voit les sept otages français capturés dans le nord du Cameroun, encadrés par deux combattants en treillis, arme au poing, le visage masqué par des chèches. L'unique femme-otage est voilée de noir, entre les deux autres adultes.
Pour cacher leur localisation, les jihadistes ont tendu des couvertures en guise de décor. Un drapeau noir porte en caractères blancs la chahada, la phrase qui fait office de profession de foi dans l'Islam. Elle surmonte un Coran et deux kalashnikov.
« C'est nous qui retenons les otages »
L'un des otages s'exprime d'abord pour présenter les revendications des jihadistes. Puis un homme en treillis, assis et le visage masqué, lit sa déclaration en arabe.
De cette déclaration, il faut d'abord retenir la revendication de l'enlèvement. « Nous sommes le groupement des sunnites pour la prédication et le jihad, celui que l'on voit comme Boko Haram, dit l'homme en treillis. C'est nous qui retenons en otage ces sept membres d'une même famille (...) à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. »
Au Nigeria, « nous allons vaincre »
Puis le jihadiste met en garde le président français François Hollande, suite à l'engagement français au Mali. « Nous avons lancé une guerre contre lui partout, dit-il. Qu'il sache que nous nous sommes déployés partout pour venir en aide à nos frères encerclés. »
Viennent alors des revendications qui s'adressent aux présidents nigérian et camerounais. Les preneurs d'otages réclament la libération de « compagnons » détenus au Cameroun, et la libération de « femmes » au Nigeria. Sans plus de précision. Tout juste les jihadistes menacent-ils de mettre fin à la vie des otages si leurs revendications ne sont pas satisfaites.
Dans le fil de sa déclaration, le jihadiste met par ailleurs en garde le président nigérian Goodluck Johnattan : « Qu'il sache que nous sommes en route et que nous allons vaincre malgré ses efforts pour nous contenir et ses attaques contre nous ». L'homme se dit persuadé que son mouvement pourra instaurer une nation islamique au Nigeria.
« Cruauté sans limite »
A Paris, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et François Hollande ont réuni ce lundi après-midi un Conseil de défense. A l'issue de cette réunion, il a confirmé la revendication de Boko Haram, et expliqué que la cassette vidéo est actuellement analysée pour « examiner la nature des revendications » du groupe islamiste. Le chef du gouvernement était accompagné du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et du chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud.
Tous les services de l'Etat sont mobilisés pour libérer les otages, promet le gouvernement. Jean-Marc Ayrault a assuré que les autorités françaises étaient en « contact étroit et permanent » avec leurs homologues camerounaises et nigérianes.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dénonce dans un communiqué des images « terriblement choquantes », qui « démontrent une cruauté sans limite ».
La famille française, dont les enfants sont âgés de 5 à 12 ans, a été enlevée le mardi 19 février dernier dans le nord du Cameroun. Ce lundi, l'ambassadeur de France sur place, Bruno Guin, est allé dans la ville de Maroua, à la rencontre de la communauté française dans le Nord, très inquiète depuis l'enlèvement.
Consignes strictes au nord du Cameroun
M. Guin ne s'est pas exprimé face à la presse à l'issue de la rencontre. En revanche, les Français expliquent qu'on leur recommande fortement de quitter la zone, désormais classée « zone rouge ». Pour ceux qui seraient contraints de rester, ils doivent respecter des consignes très strictes de sécurité, à savoir ne pas sortir seuls la nuit, éviter les déplacements, rester en ville, et surtout ne pas se rendre à moins de 30 kilomètres de la frontière nigériane.
Une mère de famille explique que les autorités camerounaises avaient promis un renforcement sécuritaire devant l'école française de Maroua, qui n'a pas été appliqué selon elle. Elle a donc décidé de quitter la région.
D'autres sont contraints de rester pour travailler, et se disent peu rassurés. A Maroua, on estime qu'une dizaine de Français ont déjà quitté la zone pour l'instant, selon les services consulaires. Quelque 200 Français vivent dans le Grand Nord, qui regroupe trois régions dont l'Extrême-Nord. La plupart des Français qui y sont installés sont là depuis de nombreuses années et n'ont pas l'intention, disent-ils, de quitter la région.
UN MESSAGE ET UN MODE D'ACTION INÉDITS POUR BOKO HARAM
C’est la première fois que la secte islamiste Boko Haram revendique un enlèvement. Première fois aussi qu’elle se place dans une logique jihadiste non plus nigériane, mais régionale, voire internationale.
Jusque là, Boko Haram affirmait vouloir combattre les influences étrangères et impies dans le nord du pays, mais la secte s’en prenait plus au pouvoir et à ses symboles via des attentats tous azimuts qu’aux étrangers eux-mêmes.
Tel que revendiqué, ce kidnapping marquerait donc un changement de stratégie, une radicalisation du mouvement, dans la veine d’al-Qaïda au Maghreb islamique.
Par RFI