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C'est une première dans l'industrie du PC : un groupe asiatique, le taïwanais Acer, vient de décrocher la deuxième place au classement des plus gros fabricants mondiaux d'ordinateurs

Au troisième trimestre 2009, ses produits ont pesé 14 % des ventes (en nombre d'unités), selon les chiffres définitifs de l'institut américain Gartner - la référence du secteur -, publiés lundi 23 novembre.

Acer reste derrière le géant américain Hewlett-Packard (HP) mais passe devant le texan Dell, ex-numéro un mondial jusqu'en 2007, rétrogradé à la troisième place. Comment un groupe encore inconnu du grand public au début des années 2000, simple assembleur pour IBM, Dell ou Toshiba, a-t-il pu si vite en arriver là ?

Fondé en 1976 par Stan Shih, une figure du monde des affaires à Taïwan, Acer décide au tournant du millénaire de promouvoir sa propre marque de produits, se séparant de ses sites de production pour se concentrer sur la conception, le marketing et la recherche et développement. Aujourd'hui, il est - fait peu banal dans le capitalisme chinois -, dirigé par un italien, Gianfranco Lanci, promu pour avoir su faire gagner des parts de marché à la marque en Europe, au plus fort de la crise de surcapacité dont a souffert le secteur high-tech début 2000. C'est à cette époque qu'Acer choisit de miser sur les ordinateurs portables, avec des prix abordables. L'acquisition, en 1997, de la division portable de Texas Instrument, l'y aide. Une stratégie payante alors que les consommateurs commencent à privilégier ce type de produits, de plus en plus performants, aux dépens des ordinateurs de bureau.

Coûts de structure minimaux

En 2008, Acer parie aussi parmi les premiers (après son compatriote Asus), sur le succès des "mini-PC", ces machines peu chères, surtout conçues pour surfer sur le Web, qui pèsent désormais 15 % à 20 % en volume des ventes d'ordinateurs dans le monde. "Les dirigeants d'Acer savent prendre des risques", estime Ranjit Atwal, du cabinet Gartner.

Les rachats en 2007 des marques occidentales Gateway puis Packard Bell, à la barbe du concurrent chinois Lenovo, permettent aussi au groupe de jouer dans la cour des grands. Et de se constituer un portefeuille de marques bien différenciées, afin, sur un marché très segmenté, de coller aux attentes du plus grand nombre possible de consommateurs. Acer conserve ainsi, en plus de ses propres produits, les PC "Gateway" pour le marché américain, les "Packard Bell" pour l'européen et les "eMachines" (une marque de Gateway) pour l'entrée de gamme.

Le fait de sous-traiter complètement la production mais aussi le réseau de distribution permet à Acer de supporter des coûts de structure minimaux : avec 6 000 salariés dans le monde, il a réalisé un chiffre d'affaires de 16,65 milliards de dollars en 2008. En outre, "Acer n'a pas connu de fusion-acquisition géante à la HP (avec Compaq), et ses multiples couches organisationnelles à gérer", avance M. Atwal, du cabinet Gartner. Il peut donc se permettre de vendre ses produits au plus bas prix.

"Les dirigeants ont aussi mis en place une chaîne logistique très efficace", ajoute l'analyste. Une des clés du succès quand, sur le marché du PC, ce n'est plus la capacité à innover mais à "mettre sur le marché" des nouveautés avant les autres, qui fait la différence. En effet, Acer et ses concurrents se fournissent tous auprès des mêmes fabricants de composants et sous-traitent à la même poignée d'industriels chinois. Acer a été un des premiers à lancer des "mini-PC" équipés d'Android, le système d'exploitation de Google ou des portables avec écran "3D". " Entre la conception et l'arrivée dans les boutiques, il ne nous faut qu'entre onze et quinze mois", affirme Walter Deppeler, vice-président d'Acer. La localisation à Taïwan, au coeur d'un des plus denses tissus de sous-traitants informatiques au monde, est aussi un avantage : "C'est essentiel pour créer une chaîne d'approvisionnements efficace", juge M. Atwal.

"Nous voulons passer numéro un mondial d'ici trois ans", affirme M. Deppeler. Ce n'est quand même pas gagné. Il faudrait pour cela qu'Acer réussisse à s'imposer aux Etats-Unis, un marché énorme, encore dominé par HP et Dell. En Chine, où Lenovo est incontesté. Et sur le marché des entreprises. Enfin, HP reste encore loin devant. Touché par la baisse des ventes liée à la crise, l'américain a beaucoup baissé ses prix, et devrait revenir à la croissance en 2010, a promis Mark Hurd, son PDG lundi 23 novembre.

 

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Classement mondial. L'américain Hewlett-Packard (HP) est le premier fabricant mondial d'ordinateurs personnels, avec 19,2 % des ventes au troisième trimestre 2009, selon l'institut Gartner. Le taïwanais Acer est deuxième (14 % des ventes), devant l'américain Dell (12,4 %), le chinois Lenovo (8,2 %) et le japonais Toshiba (4,8 %).

Etats-Unis. Dell domine (26 % des ventes), devant HP (25,5 %).

Europe de l'Ouest. Acer est premier (28,3 % de parts de marché).

Région Asie-Pacifique. Lenovo arrive en tête (17,3 %), devant HP (16 %).

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Dell, l'ex-premier fabricant mondial d'ordinateurs personnels, a du mal à retrouver son lustre. Sur le dernier trimestre, achevé fin octobre, son chiffre d'affaires a encore reculé de 15 % sur un an, et ses profits de 54 %. Pourtant, son fondateur Michael Dell, revenu aux commandes début 2007, a engagé une profonde réorganisation. Il a multiplié les accords de distribution indirecte, abandonnant le modèle de distribution directe qui avait fait son succès mais qui fonctionnait surtout avec les entreprises. Or, depuis quelques années, c'est le grand public qui tire les ventes. M. Dell a aussi lancé un vaste plan d'économies : 11 000 postes ont été supprimés, les sites irlandais ont été déménagés en Pologne et, selon le Wall Street Journal, le groupe pourrait même céder toutes ses usines, comme l'ont fait il y a déjà quelques années ses concurrents Apple ou Acer.

 

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Cécile Ducourtieux


Source : Le Monde

26.11.2009
 
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