Publié à 11 h - « Faut être qui aujourd’hui pour être bien vu ? » : la question qui ouvre le calendrier de la Fédération des aveugles de France (FAF), est déclinée au fil des mois du calendrier, dont nous présentons toutes les photos en exclusivité.L’occasion de lister les chantiers politiques, scientifiques, économiques, culturels... à investir, à ouvrir ou à finaliser pour améliorer le quotidien du million et demi d’aveugles et malvoyants français. « Le saviez-vous ?
Le 1er janvier 2015, les lieux publics doivent être accessibles à tous : 15 % seulement le sont encore aujourd’hui », affirme ainsi
la FAF. « Le saviez-vous ? L’organisation mondiale de la santé prévoit d’ici vingt-cinq ans le doublement du nombre de malvoyants
dans le monde (...) la cécité et la malvoyance, avec la maladie d’Alzheimer, seront les fléaux de demain. »
Et aussi : « Un ordinateur adapté coûte 15 000 €, soit trente fois plus cher qu’un ordinateur pour valides » ; « le chômage touche 40 % des personnes aveugles ou déficientes visuelles, soit quatre fois plus que la moyenne nationale » ; « une semaine de vacances dans un lieu accessible et sécurisé coûte plus de 4 000 € par semaine »...
Le « coup de gueule » du président Le Montpelliérain Vincent Michel dirige la fédération nationaleD’où part l’idée du calendrier ?C’est un coup de gueule qui part d’un désir de communiquer. Aujourd’hui, si vous allez trouver la rédaction d’un quotidien, une télé, une radio, avec des informations de qualité, vous ne passez pas. Il faut provoquer. La “bombe” est toujours la même, c’est le contenu. Mais il faut un détonateur pour la faire exploser. On vit dans un monde de plus en plus visuel. On a franchi le pas parce qu’il y a urgence. On prend à témoin des grandes figures françaises de notre temps pour accrocher nos principales préoccupations.
Qui sont ?L’accessibilité (aux bâtiments, à l’information, au savoir...) et l’emploi. La moitié des déficients visuels sont au chômage. Les malvoyants ne sont pas des citoyens à part entière.
Essayez de vous déplacer dans une ville dans les conditions d’une personne aveugle, c’est le parcours du combattant. Les vélos circulent sur les trottoirs, on y entasse les poubelles, on y dresse les terrasses des cafés... C’est un problème de sécurité publique. Je ne parle pas des voitures électriques : aux États-Unis, Barak Obama vient de faire voter une loi demandant qu’elles soient équipées de signaux sonores. Les Japonais sont aussi très en pointe. Il faut que la France se réveille.
On souhaiterait être consulté sur ces questions parce qu’on a des compétences, plutôt que de laisser les collectivités locales se réfugier dans les bras de cabinets de sécurité qui font des préconisations à deux balles. L’accessibilité est un marché.
Difficile d’être entendu en matière de handicap quand on n’a pas les moyens du Téléthon ?C’est un arbre énorme qui cache la forêt... Mais je ne vais pas faire mon Pierre Bergé. L’argent du Téléthon bénéficie aussi aux maladies de la vue. Moi, ma mission, ce n’est pas seulement de faire de la recherche médicale. Ma première mission est d’accompagner ceux qui, aujourd’hui, sont déficients visuels. Il y a encore des gamins scolarisés qui ne reçoivent des livres de cours adaptés qu’en février... On dispose désormais de technologies permettant aux handicapés de s’adapter mais elles ne sont pas pleinement utilisées. Si demain on guérit, tant mieux. Il y a longtemps qu’on nous le promet.
Vous espérez frapper fort ?C’est fou de devoir en passer par là... Il y a deux ans, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Braille, deux congrès se sont tenus à l’Unesco et à Eurodisney, à Marne-la-Vallée, avec plus de quarante nationalités présentes. On a organisé une cérémonie au Panthéon. On n’a pas eu un ministre, pas un secrétaire d’État. Il a été quasiment impossible de mobiliser la presse. Quels étaient les grands titres des médias le lendemain ? Les soldes et le bébé de Rachida Dati...
Toujours autant de handicapésUn Français sur 1 000 est aveugle, un sur 100 est malvoyant. Parmi les causes principales de la déficience visuelle, on cite les maladies génétiques, les accouchements prématurés, la toxoplasmose, l’hypertension, le diabète, les accidents corporels.
Les chiffres sont plutôt stables, avec une baisse des handicaps de naissance et une hausse des handicaps visuels acquis.
La fédérationFondée en 1917, reconnue d’utilité publique en 1921, la Fédération des aveugles et handicapés visuels de France rassemble 23 associations régionales. Elle lance en ce moment sa campagne de collecte de la taxe d’apprentissage des entreprises pour favoriser l’intégration des déficients visuels dans le monde du travail, prenant le relais des pouvoirs publics qui « n’en font pas assez », dénonce son président Vincent Michel. « Compte tenu de l’évolution de la législation depuis 2005, aujourd’hui, une entreprise qui embauche une personne handicapée n’a plus aucun intérêt à recruter un salarié avec un handicap lourd », insiste-t-il.
Pourtant, le président a fait le calcul : « En trente-cinq ans d’activité professionnelle, j’ai calculé que j’ai fait économiser plus de 400 000 € à la société en prestations sociales. Aujourd’hui, je suis un citoyen qui pays ses impôts et qui consomme. »
L’agenceC’est l’agence de communi- cation Wonderful, basée à Montpellier et dirigée par Pascal Hébrard, qui a conçu la campagne. Les photos du calendrier ont été réalisées avec trucage, volontairement sans autorisation : « Qu’est-ce qui est grave ? Détourner une photo people ou détourner la loi ? » Les concepteurs qui jouent « la provocation qui a du sens ». Les images détournées sont celles de : Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, Dominique Strauss-Kahn, Michel Denisot, Gérard Depardieu, Laurence Parisot, Djamel Debbouze et Mélissa Theuriau, Zinedine Zidane, Michel Drucker, Cécile Duflot et Daniel Cohn Bendit, Thierry Ardisson, Ségolène Royal, Frédéric Mitterrand.
Le calendrier« Cette campagne est le premier étage d’une fusée qui devrait en comporter trois ou quatre », explique Vincent Michel. Autres actions prévues : un “blind tour” de déficients visuels chargés de tester des villes en France, il devrait démarrer par Montpellier et s’achever à Cannes pendant le Festival. La FAF distribuera alors des prix orange et citron. Une action est également envisagée à la rentrée littéraire.
Tous les visuels du calendrier :
Sophie GUIRAUD