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EVOLUTION DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT DEPUIS 1992

Côte d’Ivoire
Adon GNANGUI
Maître de conférences


I- EVOLUTION DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT DEPUIS 1992

L’engagement de l’Afrique en faveur de la protection de l’environnement n’a pas été systématique. Il s’est fait de manière graduelle. En effet après la méfiance affichée par les africains lors de la conférence de Stockholm en 1972, peu à peu, l’on a pu constater, face aux différents problèmes écologiques qui ont secoué le continent, notamment la sécheresse au Sahel, l’apparition d’une prise de conscience de l’importance de la protection de l’environnement dans les Etats africains.

Cette prise de conscience environnementale s’est manifestée par la forte participation de ces Etats à la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement (CNUED) qui s’est tenue à Rio de Janeiro en 1992. Il faut dire que durant les dix dernières années qui ont suivi cette conférence, la plupart des Etats africains, et singulièrement la Côte d’Ivoire, ont considérablement renforcé leur politique en faveur de la protection de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles.

En Côte d’Ivoire, l’évolution de la politique environnementale est caractérisée non seulement par des actions de préservation de l’environnement mais aussi et surtout par le renforcement du système juridique en adoptant une série de textes réglementaires et en mettant en place des institutions spécialisées en matière de protection de l’environnement.

Législation environnementale en Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire, comme la plupart des pays en développement, a pendant longtemps conservé l’appareil législatif en matière d’environnement qu’elle a hérité de la colonisation. Certes quelques textes de circonstances ont été adoptés après l’indépendance parmi lesquels on peut citer entre autres : en matière de protection de la nature, la loi du 4 août 1965 relative à la

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protection de la faune et à l’exercice de la chasse ; en matière de forêt, la loi du 20 décembre portant code forestier ; et la loi n°88-651 de juillet 1988 portant protection de la santé publique et de l’environnement contre les effets des déchets toxiques et nucléaires et des substances nocives. Cette faible capacité de légiférer de la Côte d’Ivoire dans le domaine de l’environnement est la résultante même du peu d’importance que le pays accordait à la protection de l’environnement. Mais depuis le début des années 1990 et surtout après la conférence de Rio, la prise de conscience par les gouvernants de la nécessité de la protection de l’environnement a été nette.

Ceci s’est traduit par diverses initiatives de lutte contre la détérioration de l’environnement entreprises par les autorités compétentes et qui ont favorisé entre autres la création de nombreuses ONG nationales de protection de l’environnement grâce aux campagnes de sensibilisation de la population sur le phénomène. Le gouvernement a décidé de mettre en place un plan cohérent d’actions en élaborant, en 1994, le plan national d’action pour l’environnement (PNAE) dont la spécificité réside en l’approche régionale des problèmes environnementaux.

Il a donc été évoqué dans ce plan, entre autres carences en matière de protection de l’environnement, d’une part, le problème crucial des institutions que nous étudierons dans la seconde partie de ce rapport, et d’autre part, il a été question des insuffisances de la législation et de la réglementation qui nécessitent d’être étoffées. Il est clair que dans le souci d’une protection efficace de l’environnement, il paraît important de développer l’aspect juridique qui est un maillon essentiel en matière de protection de l’environnement.

La Côte d’Ivoire va donc renforcer son système juridique environnemental en se dotant d’une série de textes réglementaires. Ainsi, le pays va disposer pour la première fois d’un code de l’environnement par l’adoption en 1996, de la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996. En vertu de l’article 2 de cette loi, les objectifs visés sont essentiellement :

la protection des sols, des sous-sols, des sites, des monuments et paysages nationaux, des formations végétales, la faune et la flore et particulièrement les domaines classés, les parcs nationaux ; l’établissement des principes fondamentaux destinés à gérer, à protéger l’environnement contre toutes les formes de dégradation afin de valoriser les ressources naturelles, de lutter contre toutes sortes de pollution et nuisances ; l’amélioration des conditions de vie des populations dans le respect avec l’équilibre du milieu ; la création des conditions d’une utilisation rationnelle et durable des ressources naturelles pour les générations présentes et futures ; la garantie à tous les citoyens d’un cadre de vie écologiquement sain et équilibré ; et la restauration des milieux endommagés.

L’étude d’impact environnemental est pour la première fois juridiquement reconnue par le législateur qui, conformément à l’article 39, soumet tous les projets, programmes, ou plans susceptibles d’avoir des conséquences sur l’environnement à une étude d’impact préalable. Ils doivent également faire l’objet d’un contrôle et d’un suivi pour vérifier la pertinence des prévisions et adopter des mesures correctives nécessaires. Les obligations de l’Etat et celles des collectivités locales sont également bien définies dans Côte d’Ivoire

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le chapitre II du titre IV. Le droit de l’environnement est consacré par la nouvelle loi dans son article 33 qui dispose : « Toute personne a le droit fondamental de vivre dans un environnement sain et équilibré…. ». Cette consécration du droit de l’environnement dénote la volonté du législateur d’accorder plus de place au droit en matière de protection de l’environnement contrairement à ce qui a été le cas auparavant. De nombreuses mesures juridiques en faveur de la protection de l’environnement ont été prises par plusieurs décrets au cours des années 1997 et 1998.

Il s’agit notamment, entre autres, du décret 97-678 du 3 décembre 1997 relatif à la protection de l’environnement marin et lagunaire contre la pollution ; en matière de lutte contre les pollutions accidentelles en mer, lagune et dans les zones côtières, du décret n°98-42 du 28 janvier 1998 relatif à l’organisation d’un plan d’urgence dont l’objectif est de lutter contre les pollutions de toute origine ou menaces de pollution pouvant entraîner le déversement massif ou dangereux en mer, dans les eaux lagunaires et sur le littoral, de produits ou substances susceptibles de causer des dommages majeurs en milieu aquatique et aux zones côtières ; du décret 98-43 du 28 janvier 1998 relatif aux installations classées pour la protection de
l’environnement en l’occurrence, celles susceptibles de « présenter des dangers ou des inconvénients (…) pour la santé, pour la protection de la nature et de l’environnement » (art.1). La loi n°96-766 du 3 oct. 1996 définit clairement les installations classées dans son article 6.

Dorénavant, de telles installations classées sont soumises à la fois, à autorisation ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou inconvénients que peut présenter leur exploitation et, à autorisation préalable de conformité environnementale du ministre chargé de l’environnement. Afin de faciliter la mise en œuvre de la nouvelle politique environnementale, mais surtout de rendre effective l’application du nouveau dispositif juridique environnemental, il a été créé un certain nombre d’institutions spécifiques pour la protection de l’environnement.

Institutions spécialisées dans la protection de l’environnement

En Côte d’Ivoire le problème institutionnel dans le domaine de l’environnement, a longtemps demeuré un facteur qui limitait - et limite encore malgré tout - les efforts fournis parce qu’une multitude de structures - notamment les structures gouvernementales (ministères), non gouvernementales et privées - entreprenaient des actions hélas pas toujours concertées. Il était donc opportun de réorganiser les structures et de mettre en place de nouvelles structures.

C’est ce qui a favorisé notamment la création : en 1996 du secrétariat national de l’ozone de la Côte d’Ivoire (SNO), qui sert de liaison avec le secrétariat international de l’ozone (décret n°96-904 du 13 novembre 1996) et dont la mission est de coordonner et de suivre toutes les actions et tous les projets du gouvernement dans le cadre de l’application du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone ; en 1997 de l’Agence Nationale de l’Environnement (ANDE) (décret 97-393 du 9 juillet 1997) dont la mission essentielle est d’assurer la

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coordination de l’exécution des projets de développement à caractère environnemental, de constituer et de gérer un portefeuille de projets d’investissements environnementaux, de garantir la prise en compte des préoccupations environnementales dans les projets et programmes de développement, de veiller à la mise en place et à la gestion d’un système national d’information environnementale, de mettre en œuvre la procédure d’études d’impact ainsi que l’évaluation de l’impact environnemental des politiques macro-économiques, de mettre en œuvre les Conventions internationales dans le domaine de l’environnement et d’établir une relation de suivi avec les réseaux d’ONG.

Dans le souci de soutenir financièrement la politique relative à la protection de l’environnement et à la gestion des ressources naturelles, il a été créé, en 1998, une institution financière en l’occurrence, le Fond national de l’environnement (FNDE) (décret n°98-19 du 14 janvier 1998). Conformément à l’article 74 du code de l’environnement, d’autres institutions ont également été créées. Il s’agit notamment, du réseau de réserves biologiques en proportion avec l’intensification de l’exploitation des sols ; de l’observatoire de la qualité de l’air ; et de la bourse des déchets.

Désormais il est créé un ministère de l’environnement et du cadre de vie chargé de définir et de conduire la politique environnementale du gouvernement. Le souci des autorités publiques est de réduire le plus possible l’éparpillement des institutions chargées de la protection de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles. L’objectif est de parvenir à un regroupement des attributions essentielles en matière d’environnement au sein d’un nombre réduit d’administration.

Toutefois il existe d’autres ministères qui ont également en charge la préservation de l’environnement il s’agit entre autres, du ministère des eaux et forêts désormais séparé de celui de l’environnement, et du ministère de l’agriculture. La volonté de combler l’inflation institutionnelle dans le domaine de l’environnement que connaît le pays, ne souffre d’aucun doute. Il s’agit de la réponse que les autorités ivoiriennes semblent apporter au programme d’Action 21 qui appelait à une réforme institutionnelle dans les pays en développement.

Au regard des développements qui précèdent, force est d’admettre que le droit de l’environnement en Côte d’Ivoire, s’il est resté pendant longtemps figé voire inadapté à la situation socio-économique du pays, depuis 1992 le législateur tente de rattraper le retard accusé dans le domaine de l’environnement. Ainsi depuis 10 ans l’arsenal juridique en matière de protection de l’environnement ne cesse d’être renforcé. Si le progrès enregistré par le droit de l’environnement en Côte d’Ivoire paraît satisfaisant, il faut dire qu’il se pose par ailleurs, le problème de l’effectivité de son application.

Or l’efficacité du droit de l’environnement ou du droit tout simplement, résulte dans son application effective. En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays en développement, pour des raisons socioéconomiques et politiques l’application du droit est très difficile. Mais avec la démocratisation du pays l’Etat de droit finira par prévaloir et le droit de l’environnement contribuera efficacement à la protection de l’environnement.

KHADHORMEDIA 13.02.2012 0 2142
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