Nous publions ici l'introduction de l'excellent livre de l'universitaire ivoirien
ADON GNANGUI
Côte d'ivoire: 11 avril 2011, Le coup d'Etat de trop de la France en Afrique
De Adon Gnangui
(L’Harmattan Novembre 2011)
Introduction
La France, on l'a toujours soupçonnée d'être l'instigatrice de nombreux coups d'Etat, souvent perpétrés sur le continent africain et notamment dans les pays francophones, ses anciennes colonies. Ce qui était un soupçon, au regard de ce qui s'est passé en Côte-d'Ivoire le Il avril 2011, a connu une confirmation; Plus de doute, la France a opéré, au mépris de la grande majorité du peuple ivoirien, un coup d'Etat. Cette situation, inacceptable, sera difficile à pardonner par le peuple ivoirien qui voit ainsi sa liberté et la souveraineté du pays bafouées. Ce qui, indubitablement, est une véritable humiliation, ne saura être toléré par les Ivoiriens et encore moins par les peuples africains qui sont tous interpellés par la volonté de la France de restaurer le néocolonialisme dans ses anciennes colonies.
Face à une situation aussi grave, quelle peut être la réaction des Ivoiriens et des Africains dans leur ensemble? Comment peut-on douter que les Ivoiriens ne soient choqués par le comportement hideux de la France qui, depuis 2002 et même avant en 1999, dans la tentative de reconstruction de son pré carré en Afrique après le décès de Félix Houphouët-Boigny, est à l'origine de la déstabilisation de ce pays?
Pour cela la France est prête à tout, même aux pires atrocités, tant pis si les populations - femmes, hommes, enfants - sont massacrées. Pourvu qu'elle parvienne à ses fins. En tout cas pourvu qu'elle atteigne les objectifs qu'elle s'est fixée. C'est justement à cela que nous venons d'assister en Côte-d'Ivoire ce 11 avril 2011. Il s'agit d'une situation inconcevable qu'il faut s'abstenir de laisser passer sous silence. Sans doute, chacun peut faire son analyse en la matière, mais force est d'admettre que la Côte-d'Ivoire en tant qu'Etat indépendant et souverain, dotée d'une Constitution et d'un arsenal juridique ainsi que d'institutions administratives et politiques nécessaires à son fonctionnement et au bien-être de sa population, est à même de faire face à tout problème notamment celui d'ordre électoral et d'y apporter des solutions idoines.
En réalité, la crise postélectorale imaginée, c'est le moins qu'on puisse dire, car montée de toutes pièces par la France et d'autres prédateurs venus du monde occidental, n'est que la face cachée de l'iceberg. L'objectif de la classe politique française était bien de déstabiliser la Côte-d'Ivoire, de la fragiliser ainsi pour mettre à la tête de ce pays, une personne qu'elle aura à sa botte, une personne manipulable et donc acquise à sa cause comme un valet vis-à-vis de son maître. Pour valider ce complot, il fallait montrer à l'opinion française et au monde entier un alibi; d'où la diabolisation du Président Laurent Gbagbo.
Au regard de tout ceci, le peuple ivoirien, cinquante ans après ce qu'il est convenu d'appeler l'indépendance de son pays, a acquis incontestablement une maturité politique et intellectuelle que personne ne peut nier. Il est alors aisé de comprendre qu'aujourd'hui il ne puisse pas se murer derrière un silence insensé face à ce comportement de la France, digne d'un film hollywoodien, irresponsable dans un monde intelligent et civilisé en ce XXIe siècle.
Cet ouvrage est le lieu indiqué pour dénoncer, sans passion mais avec force, cette souffrance que la France a toujours infligée aux peuples dans ses anciennes colonies, même si cela les plonge dans une extrême pauvreté, pourvu qu'elle y trouve son intérêt. En réalité ne sommes-nous donc pas dans la logique dressée par le général De Gaule selon laquelle « un pays n'a pas d'amis, il n'a que des intérêts! » nonobstant le caractère dramatique que la défense de ces intérêts peut engendrer pour ce pays et son peuple. Sans doute que, par la suite, d'autres Ivoiriens voire Africains et même au-delà procéderont à d'autres analyses sur le fondement de la guerre imposée à la Côte-d'Ivoire par la France, ses multinationales et ses alliés occidentaux, une guerre qui paraît à première vue absurde et injuste au regard des raisons évoquées pour la justifier, à savoir le contentieux électoral qui aurait d'ailleurs pu être réglé sans recourir à la violence si vraiment il s'agissait d'un simple problème électoral. « Côte d'ivoire: 11 avril 2011, Le coup d'Etat de trop de la France en Afrique » est un ouvrage simple à lire du fait qu'il privilégie une lecture accessible à tous. Il a pour objet de taire comprendre aux citoyens ivoiriens, africains et à tous les .rus de l'Afrique, que le développement de nos pays en Afrique, exige certes une bonne gouvernance, mais aussi et surtout une réelle indépendance vis-à-vis de la France et du reste du monde.
En somme, l'ouvrage se veut un véritable stimulateur de discussions. C'est à cet égard un livre polémique; il présente même parfois des opinions assez tranchées qui peuvent heurter la logique de pensée ou de compréhension de certains lecteurs. Mais en réalité, non adepte de la langue de bois, j'ai voulu être moi-même en écrivant ce livre pour exprimer ma compréhension et ma vision dans les relations entre la Côte d’ivoire en particulier et de manière générale entre les pays africains anciennement colonies françaises et la France. C'est sans doute un cri, pour dire aux puissances économiques en quête permanente de matières premières pour renforcer leur développement ou répondre à leurs besoins divers, de se soucier des droits à la vie, du développement, du bien-être peuples des pays détenteurs de ces matières. Pour cela s'y prennent avec beaucoup de tact en respectant le à la souveraineté nationale dont dispose chaque État membre de l'Organisation des Nations Unies mais également le libre droit dont dispose chaque pays dans la gestion et l'exploitation de ses ressources naturelles. Car faut-il le rappeler, il s'agit d'un droit inaliénable que nul ne peut contester à un Etat aussi pauvre qu'il soit.
Nous allons, à travers cet ouvrage, faire un rappel historique rapide des relations entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique, montrer la situation de néocolonialisme dans laquelle la France veut replonger la Côte-d'Ivoire comme d'ailleurs la plupart de ses anciennes colonies du continent. Aussi, paraît-il important, tout en nous inscrivant dans cette logique absurde et insensée de la France, en ce 21° siècle, de tenter de comprendre et d'analyser dans quelle mesure le Gouverneur *que la France vient d'imposer à la Côte-d'Ivoire va entreprendre sa mission, dans quelles conditions et surtout avec qui, dans un contexte où l'ingérence française est plus que jamais dénoncée par la population et particulièrement les jeunes qui ne se reconnaissent en aucun cas dans ce qu'ils considèrent comme une véritable imposture. Nous ne saurons terminer notre analyse sans nous interroger sur l'avenir des relations entre la France et la Côte-d'Ivoire, et de manière générale entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique. Pour être complet dans notre analyse mais surtout pour être cohérent et juste envers nous-mêmes, s'il convient d'admettre la responsabilité des grandes puissances économiques dans l'état de sous-développement dans lequel tous les pays africains sont plongés, force est aussi de reconnaître notre propre part de responsabilité dans la situation de sous développement et de pauvreté de nos pays, notamment la Côte-d'Ivoire.
Autrement dit, en Côte-d'Ivoire, par exemple, le constat est que l'Etat de droit fait cruellement défaut et que l'impunité est récurrente, deux éléments fondamentaux nécessaires à un pays pour accéder au développement et réduire considérablement la pauvreté et l'injustice sociale.
*Nous voulons ici qualifier ainsi M. Dramane OUATTARA, pour être dans notre logique selon laquelle le Président démocratiquement et légalement élu en Côte d'Ivoire est sans aucun doute M. Laurent GBAGBO, jusqu'à preuve légale du contraire.