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Aillagon : pourquoi je voterai François Hollande le 22 avril
Par JEAN-JACQUES AILLAGON Ancien ministre de la Culture et de la Communication (dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin).
Le 22 avril prochain, je voterai pour François Hollande. Je suis en effet convaincu que la France a besoin de profonds changements pour être en mesure de mieux aborder un avenir que la conjoncture et l’évolution du monde rendent plus difficile et incertain. Ces changements devraient notamment bénéficier au fonctionnement des institutions politiques, à la défense des libertés publiques, à l’organisation des territoires et à la répartition des responsabilités entre les différents degrés de collectivités locales, à la réaffirmation d’une vision dynamique de la construction européenne, à la stabilisation de la règle du jeu qui fixe la juste balance entre ce qui relève de la solidarité collective et ce qui doit rester du domaine de la responsabilité de chaque individu.
Sur toutes ces questions, et sur d’autres, on aura, au cours des dernières années, souvent flotté entre des prises de position contradictoires et des doctrines variables selon les circonstances. Un pays a cependant besoin qu’on lui propose des objectifs clairs, stables et assumés, sauf à désespérer les citoyens de l’action publique. Ces changements ne peuvent faire l’économie d’une alternance.
Il y a dans l’alternance politique une nécessité démocratique qui, seule, permet, à un moment donné, le ressaut nécessaire au renouveau. Cela fait dix ans que la France n’a pas eu de gouvernement de gauche. Cela fait dix-sept ans que la présidence de la République, cette clé de voûte des institutions, est exercée par un président de droite ! Cela fait dix-neuf ans que la gauche n’aura pas exercé conjointement la présidence de la République et la direction du gouvernement. Autant la démocratie a besoin de stabilité, autant elle ne gagne rien à s’enkyster dans la domination trop longue d’un parti qui finit par s’imaginer en seul héritier légitime du droit de conduire les affaires publiques, au risque de favoriser les mauvaises habitudes. Pas de changement réel donc sans alternance.
Pour que l’alternance soit possible, elle doit être portée par un candidat susceptible de gagner et capable, ensuite, de s’attacher le soutien d’une majorité stable à l’Assemblée nationale. Ce candidat ne sera vraisemblablement pas, la polarisation de l’opinion se portant désormais sur les deux candidats les plus visibles, un éventuel «troisième homme». On peut le regretter, mais c’est bien cette situation-là qui s’imposera à l’élection de 2012. Il ne devrait donc y avoir de 21 avril ni à l’endroit, ni à l’envers.
Il n’y aura, de ce fait, d’alternance possible que grâce et avec François Hollande. Toutes ces raisons seraient des raisons «par défaut», s’il ne s’en ajoutait une autre : François Hollande a bien les qualités humaines et politiques requises pour être un bon président de la République. Alors que l’investiture de son parti semblait destinée à une vedette de la scène internationale qu’on disait assurée de l’emporter face au président sortant, il sut persévérer dans une candidature dont certains se moquaient. On le disait faible, il s’avère fort, on le croyait indécis, il s’exprime avec fermeté, on craignait son manque d’expérience du gouvernement des hommes et des choses, il marque dans la désignation de ses objectifs une sûreté impressionnante. Je sais qu’il saura être un président, à sa place, ni omniprésent, ni évanescent. Je sais qu’il saura, l’élection législative accomplie, susciter une nouvelle manière de gouverner. Je crois qu’il aura la volonté constante de rassembler les Français autour d’un projet politique, moderne, rigoureux et généreux. La rigueur sans la générosité est injuste et révoltante. La générosité sans la rigueur est stérile. Voilà des nuances dont François Hollande, esprit fin et subtil, est capable.
La décision de soutenir la candidature de François Hollande, même si elle s’impose à moi avec force, n’a pour autant pas été facile à prendre. J’ai, en effet, pendant plus de deux décennies, partagé le destin politique et électoral de ce qu’il est convenu d’appeler la droite. Dans le sillage de l’ambiguë victoire de Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 2002, j’ai été appelé au ministère de la Culture et de la Communication dans les deux premiers gouvernements de Jean-Pierre Raffarin. Nicolas Sarkozy y fut donc mon collègue et, je dois le dire, un collègue amical. C’est lui qui, une fois élu, me confia la dernière responsabilité que j’ai exercée à la tête d’un établissement public, le château de Versailles.
Si, en 2011, il a estimé que rien ne justifiait que j’y fusse prolongé au-delà de l’âge de la retraite, il m’a fait part de sa décision avec délicatesse. Cela n’appelle plus de ma part aucun commentaire et ne saurait justifier aucune acrimonie.
En faisant le choix de ne pas le soutenir ou, du moins, de ne pas m’abstenir de prendre position, je sais que je romps avec ce qui fut mon camp, encore que ce mot et l’idée qui le sous-tend me soient tout particulièrement odieux. C’est pourtant le choix que je fais. Je le fais par conviction et sincérité. Je le fais en précisant que je conserve des sentiments de respect et d’estime pour beaucoup de ceux qui furent mes compagnons au RPR, au gouvernement, au conseil régional de Lorraine dont je fus l’élu de 2004 à 2010.
Sans regret, j’estime cependant que le seul parti à prendre en la circonstance, c’est celui de ce que je crois être l’intérêt de la France : l’élection de François Hollande.