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L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projet inutile ou mégalo ?
AYRAULT AIRPORT18/02/2012 à 18h36

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projet inutile ou mégalo ?

Sophie Caillat | Journaliste Rue89

Alors que la construction de l’aéroport nantais semble inéluctable, une poignée d’irréductibles opposants rêve d’une mobilisation semblable à celle du Larzac.


Le local des opposants, « La Vache rit » (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

(De Nantes) C’est l’histoire d’une ville de province qui se prenait pour une capitale. Son maire, Jean-Marc Ayrault, ne parle plus du « projet » de Notre-Dame-des-Landes, mais d’un aéroport du Grand-Ouest qui est « en train de se faire ». Ce conseiller spécial de François Hollande, que l’on dit « ministrable », a convaincu le candidat PS d’inscrire dans son programme la poursuite de ce projet, vieux de plus de quarante ans, soutenu par la droite locale, indispensable à la région. Circulez, y a rien à voir.

Pour nombre de Nantais, il est trop tard pour inverser le cours de l’histoire. La question de l’aéroport a été écartée de l’accord de gouvernement PS-EELV, et chaque jour dans la presse locale, le syndicat mixte annonce le « décollage imminent “ du futur aéroport.


PRÉSENTATION DU PROJET D’AÉROPORT PAR VINCI

Guidée par Ariel Aliega, producteur chilien marié à la fille d’un agriculteur de Notre-Dame-des-Landes, je suis allée à la rencontre de ceux qui peuvent apparaître, vus de Paris, comme des jusqu’au-boutistes défendant leur pré carré, des écolos radicaux refusant le progrès, des décroissants préférant les petits oiseaux à l’emploi. Et je suis tombée sur des citoyens de tous horizons politiques, prônant la bonne gestion des deniers publics, en révolte contre les ‘mensonges’ de l’oligarchie, où les deux partis majoritaires sont alliés aux intérêts économiques des géants du BTP.

‘Décider de la société dans laquelle on veut vivre’

Odile Martin se gèle cet après-midi-là, place Royale à Nantes. C’est son tour de tenir la ‘vigie citoyenne’, montée il y a trois ans sur le modèle de celle installée devant le siège de l’OMS à Genève pour demander la vérité sur l’après-Tchernobyl. Odile alpague les passants un par un. Certains ajoutent leur signature aux 25 000 déjà recueillies contre l’aéroport. Odile :

‘Il s’agit de décider de la société dans laquelle on veut vivre. Il n’y a qu’une personne sur dix qui soutient cet aéroport, mais les gens ne vont pas s’afficher. Nantes est certes une ville socialiste, mais bourgeoise.’


La vigie citoyenne à Nantes (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

Débordement par la gauche

A première vue, l’affaire Notre-Dame-des-Landes ressemble à un Larzac qui n’aurait pas trouvé son José Bové.

Après le premier Camp action climat de 2009, quelques dizaines de manifestants ont commencé à squatter des friches et maisons vides. Ces promoteurs de l’autogestion sont toujours sur la lande, mais bien cachés derrière les haies. L’été dernier, des violences avaient éclaté en marge d’une manifestation, et les militants historiques avaient craint que leur mouvement ne soit discrédité.


Ariel Aliega (Sophie Verney-Caillat)

‘En 2014, toute cette histoire sera oubliée’, prophétise Cyril Bouligand, dont la ferme est située à 10 km de la future tour de contrôle.

Quand le promoteur Vinci l’a invité à participer à la ‘ferme pédagogique’ projetée à la sortie de l’aérogare ‘haute qualité environnementale’, il a répondu que c’était ‘odieux de vouloir nous mettre dans un zoo’. Depuis, il boycotte les réunions, empêche le rachat de ses terres, et attend les bulldozers.

‘Ce sont les contribuables qui paieront la facture’

Christian Grisollet consacre son temps libre à la distribution du tract ‘Danger et bruit, mensonges et propagande’, dans 100 000 boîtes aux lettres de l’agglomération nantaise. Ce formateur technique, pas personnellement concerné par le futur aéroport, est l’un des coprésidents de l’Acipa, l’association citoyenne, qui revendique 3 000 cotisants dont une cinquantaine de membres très actifs. Il nous jure que ‘la mobilisation grandit’ :

‘Depuis la crise, les gens ont compris qu’on a bien d’autres choses à faire avec l’argent public. Vinci a promis 12% de rentabilité à ses actionnaires et si l’aéroport est déficitaire, ce sont les contribuables qui paieront la facture. C’est un cas d’école de ce qu’il ne faut plus faire.’

Une étude prône l’optimisation de Nantes-Altantique

Désormais, c’est sur le terrain économique que les opposants combattent le maire et ses soutiens (l’UMP locale, le conseil général et régional, la chambre de commerce et bien sûr Vinci le concessionnaire).


L’aéroport de Nantes-Atlantique (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

L’ancienne maire de Bouguenais, la commune où est situé l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique, conseillère générale Front de Gauche, a pris la tête du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport (le Cedpa, regroupant écologistes, Front de Gauche, NPA, MoDem, une moitié de locaux, une moitié de nationaux) créé en 2009.

Françoise Verchère explique pourquoi il n’y a pas de ‘nimbysme (de Not in my backyard’, pas dans ma cour arrière en anglais) dans cette lutte :

‘Notre credo est : ni ici ni ailleurs, c’est un projet inutile. Je n’arrive pas à comprendre comment les gens de gauche que je connais déroulent un tel tapis rouge à Vinci.’

Espérant se faire mieux entendre, le millier d’élus du Cedpa a trouvé 20 000 euros pour faire faire une analyse indépendante. Le cabinet hollandaisCE Delft, connu pour ses études d’impact économique des grands projets, a rendu en octobre un document de 50 pages qui démonte point par point les scénarios sur lesquels se fonde la Déclaration d’utilité publique (DUP) (décret du 9 février 2008) du projet d’aéroport. Florilège des erreurs relevées :

VOIR LE DOCUMENT

(Fichier PDF)

  • le prix du pétrole est projeté comme étant 15 à 50% moins cher que ce qu’il est réellement ;
  • le marché des émissions de CO2, qui renchérit le coût de l’aviation, a été omis ;
  • la nouvelle liaison TGV Rennes-Paris prévue pour 2020-2025 devrait inciter beaucoup de Rennais à prendre l’avion à Paris plutôt qu’à Notre-Dame-des-Landes ;
  • si le tram-train pour l’aéroport ne se fait pas tout de suite (or son coût n’est pas dans le budget prévu), cela oblige nombre de passagers à venir en voiture et engendre des coûts de parkingélevés...

Et de conclure :

‘L’optimisation de Nantes-Atlantique apparaît plus génératrice de richesses pour la France que la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes.’

‘C’est de la spoliation’


Un autocollant anti-Notre-Dame-des-Landes sur une voiture (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

Etienne Boittin lance des procédures tous azimuts pour tenter de bloquer les bulldozers, programmés pour 2014 :

‘Parcelle par parcelle, je conteste devant le tribunal administratif les arrêtés de cessibilité de 23 requérants. Tous les jours, j’attaque les actes d’expropriation que reçoivent les agriculteurs.

Les indemnités proposées aux propriétaires sont de 16 centimes par m2, alors que l’un d’eux a acheté son terrain 24 centimes par m2 en 1977. Je demande 5 euros et je considère qu’en-dessous d’1 euro, c’est de la spoliation.’

‘On n’y a jamais cru à leurs prévisions’

Gérard Lefèvre, le directeur du Syndicat mixte Aéroport Grand-Ouest réagit tranquillement sur l’analyse économique du cabinet néerlandais. Pour lui :

‘Il n’y a rien de nouveau dans les arguments des opposants. Cette étude est très sommaire par rapport à l’analyse de la DUP, et ces accusations sont un peu gratuites. Il n’y a pas de raison de dire qu’on ne sera pas aux 4 millions de voyageurs par an à l’ouverture.’

Pas de raison, sauf que, se souvient Michel Tarin, agriculteur à la retraite et mémoire de la résistance à l’aéroport :


Michel Tarin (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

‘Les politiques rêvaient d’un aéroport intercontinental comme Roissy et ses 55 millions de passagers, mais Nantes a vocation à rester une plateforme régionale.

En France, on a déjà 147 aéroports dont 14 dans le Grand-Ouest, on n’a pas besoin d’un quinzième. Regardez l’aéroport d’Angers tout neuf, et quasi désert...

Lui jure que pour l’exproprier, il faudra l’expulser. Il y aura peut-être des drames mais la violence sera de leur côté.’

Vinci, grand bénéficiaire de l’opération ?

Les militants s’appuient désormais sur l’expertise technique de spécialistes de l’aéronautique. Thierry Masson est pilote de ligne chez Air France. Piqué au vif un jour de 2007 où il entend dire que le survol de Nantes est ‘dangereux’, il s’engage :

‘Certes, pour atterrir, il faut survoler la ville. Si on veut interdire les survols, il faudra fermer Toulouse, Marseille, Paris...’

Avec quelque 200 collègues, il se met à fournir des arguments aux opposants ‘dans l’ombre, hors de toute association, en raison des pressions que l’on subit de toutes parts’. Littérature de l’aviation civile en main, il démontre techniquement l’inutilité d’un nouvel aéroport à Nantes :

  • L’approche : ni relief ni météo particulièrement sensibles à Nantes-Atlantique ;
  • La capacité de la piste : l’actuelle (2 900 m + 100 m roulables et untaxiway parallèle) permet d’absorber 35 avions par heure, alors qu’il n’y en a que 10 à 12 actuellement ;
  • La capacité du terminal peut aller jusqu’à 4,1 millions de passagers, il y en a pour l’instant 3,2 millions par an ;
  • Les parkings : il y a un manque à Nantes-Atlantique, mais pourquoi ne pas en construire en étages comme ça se fait partout ailleurs ?
  • Les servitudes, c’est-à-dire le réseau reliant à l’aéroport : il y a justement des voies de chemin de fer s’arrêtant à 150 mètres de Nantes-Atlantique, et le tram a son terminus à 1 km, pourquoi ne pas le prolonger ?’

La communication officielle laisse croire à un transfert d’un aéroport désuet vers un autre tout neuf, mais en réalité, Nantes-Atlantique conservera sa piste pour les besoins de l’usine Airbus de Bouguenais, donc il y aura bien deux aéroports à Nantes.

Libérer des terrains dans cette partie sud-ouest de l’agglomération répond surtout à une logique d’aménagement global : selon l’Insee, répète Jean-Marc Ayrault, Nantes accueillera 150 000 habitants supplémentaires d’ici 2030.

Et c’est notamment le groupe Vinci, qui vient d’obtenir la concession de cinq aéroports de l’Ouest, qui aura le droit de construire de nouveaux quartiers sur les terrains libérés. Le géant du BTP semble soumettre les pouvoirs publics à tous ses désirs. N’a-t-il pas obtenu d’agrandir les parkings du futur aéroport du Grand-Ouest de 7 000 à 11 000 places de parking, alors que les pistes ont été revues à la baisse, faute de moyens ?

MERCI RIVERAINS ! Malène
KHADHORMEDIA 25.01.2013 0 2764
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