L’éléphant déchaîné-26/1/2013
La Rti l’a montré menotté. Et selon ses avocats, il n’avait pas l’air d’avoir été « maltraité ». Mais c’est qu’il n’a pas été maltraité, le champion de la galaxie dite patriotique qui n’est plus à présenter. Ainsi donc, l’homme qui, chaque mardi percevait sept millions de FCFA en espèce de la part du Palais présidentiel sous l’intrépide Laurent Gbagbo, est depuis le vendredi 18 janvier 2013, entre les mains des autorités ivoiriennes. Mais la facilité avec laquelle Charles Blé Goudé s’est retrouvé à Abidjan a déconcerté plus d’un, dans son propre camp. Petit retour sur une arrestation qui n’est en réalité, qu’ une opération de neutralisation du mandat d’arrêt de la CPI décerné à Blé Goudé depuis février 2012, et dont les scellés vont être levés après l’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo. «Blé Goudé a trahi. Blé Goudé n’a pas trahi. Ils veulent discréditer Blé Goudé». Ces trois positions sont celles des trois camps qui s’affrontent sur la même affaire. Les éléments du premier camp (« Blé Goudé a trahi »), sans doute sous l’émotion, ont crié à la trahison. Ils sont conduits par Touré Zéguen qui, le premier, a lancé le débat en soulevant des interrogations fort intrigantes. Ceux du deuxième groupe, sans doute également à cause de la douleur qu’ils ressentaient, on jugé la probabilité d’une trahison de Blé Goudé, trop faible. Et ont appelé à ne pas se tromper de combat. Ils sont conduits par Richard Dakoury, un proche parmi les proches, de Blé Goudé. Le troisième camp, c’est la presse pro- Ouattara et pro-Gbagbo. Le débat, dans la presse de ces deux camps (RHDP et LMP), continue de faire couler beaucoup d’encre. Les journaux pro-Ouattara saluent la fin de la « cavale » de Blé Goudé qu’ils invitent à répondre maintenant de ses « crimes ». Mais gênés aux entournures par le débat sur les circonstances de cette arrestation et de l’extradition éclaire qui l’a suivie, les voilà à présent, à leur corps défendant, en train de tout mettre en oeuvre pour détruire la thèse de trahison soulevée par ceux qui, dans le camp Gbagbo, seraient contre Charles Blé Goudé qu’ils ne porteraient pas dans leur coeur. Et le but de cette stratégie est de ne pas laisser prospérer dans l’esprit des partisans du Rdr qui se considèrent comme les plus grandes victimes de la gouvernance Gbagbo et de la crise post-électorale, que le régime fait des arrangements. Avec ceux qui sont brandis depuis la fin de crise post-électorale, comme les plus grands criminels que ce pays aie jamais connus. Du côté des journaux bleus, on est encore sous le choc de cette arrestation surprise. Mais passé l’émotion, les analyses qu’ils ont tentées de faire en mettant l’accent sur la volonté de notre président de ne pas aller sincèrement à la réconciliation, n’ont pas eu de poids. Devant les nombreuses zones d’ombre qui ont entouré l’arrestation et l’extradition de Blé Goudé. Finalement, pour ne pas trop en souffrir, ils ont laissé la recherche de la vérité à l’histoire. Laquelle devrait instruire les Ivoiriens dans les mois ou années à venir. Pourtant, l’histoire de la sortie de Blé Goudé, du pays, avant la chute de Gbagbo, le 11 avril 2011, ne permet pas de raconter des histoires. LEs mANDAts D’ARRêt Du 29 fé- VRiER 2012 Comme « L’Eléphant » l’a raconté en début d’année 2012, la CPI a émis plusieurs mandats d’arrêt contre des pro- Ouattara et des pro-Gbagbo. Parmi les pro-Gbagbo, il y a entre autres, Blé Goudé et Simone Gbagbo dont les mandats ont été émis le 29 février 2012. Mais le bureau du procureur, à l’époque Louis Moreno Ocampo, grand ami de Soro Guillaume, avait trouvé un accord avec le régime d’Abidjan pour ne lever les scellés sur ces mandats qu’à des périodes précises. Après que l’émotion créée par le transfèrement de Laurent Gbagbo se serait estompée. Mais le 8 juillet 2012, pour amener la CPI à démentir l’existence d’un mandat d’arrêt contre sa personne, Soro Guillaume, le président de l’Assemblée nationale, avait, sur les antennes de RFI, balancé l’information selon laquelle, à sa « connaissance, il y avait un mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo, contre Dogbo Blé et contre Blé Goudé ». Cette révélation avait, le lendemain, entrainé une réaction de la CPI qui par la voix de Pascal Turlan, conseiller en coopération internationale au Bureau du Procureur avait déclaré : «Nous ne confirmons pas ces annonces (de M. Soro Guillaume, ndlr). Le Bureau du procureur continue ses enquêtes en Côte d’Ivoire. Et il laisse aux acteurs politiques le soin de faire leurs propres déclarations. Nous ne commentons pas les rumeurs ou les allégations proférées par les uns ou les autres dans les situations sous enquêtes. Tout ce qui a trait à la procédure en Côte d’Ivoire est lisible et disponible dans nos déclarations publiques et dans le suivi de la procédure. C’est tout à fait transparent et public aujourd’hui. Vous avez une audience de confirmation des charges qui doit commencer le 13 août prochain concernant Laurent Gbagbo. Lorsque nous aurons assez d’éléments qui nous permettent de penser que d’autres personnes pourraient être responsables de crimes, nous délivrerons des mandats d’arrêt contre ces personnes également. Nous avons bon espoir. Nos enquêtes avancent de façon satisfaisante». Blé Goudé lui-même, dans une interview accordée à « Jeune Afrique », aux lendemains de cette révélation de Soro Guillaume, avait répondu : « Il faut d’abord préciser que je ne suis l’objet d’aucun mandat d’arrêt de la part de la CPI. Je refuse que l’on me présente comme un criminel en fuite, ou un bandit de grands chemins. Mais, dans une philosophie de résistance, j’ai organisé des manifestations aux mains nues, des marches, des meetings. Alors si pour cela, on doit me citer à la CPI, si ma présence peut éclairer l’opinion, je n’y vois pas d’inconvénient… » « Avez-vous des contacts avec la CPI ? », avait interrogé le journaliste. Réponse de Blé Goudé : « Oui. Mon avocat est en contact permanent avec elle. Et selon les échos que j’en ai, la CPI ne s’intéresse pas à moi. » Tiens donc ! LE RéGimE DéCiDE DE NE PLus COOPéRER AVEC LA CPi Sauf que Soro avait dit vrai. Il existait bien un mandat d’arrêt contre Blé Goudé, Simone Gbagbo et Dogbo Blé. Le 16 mars 2012, ces trois mandats, plus trois autres concernant des pro- Ouattara, avaient été remis aux autorités d’Abidjan. Mais ne voyant rien arriver du côté du régime sur le calendrier d’exécution de ces mandats, Fatou Bensouda, alors procureur adjointe, laquelle se préparait à succéder à Louis Moreno Ocampo, s’était rendue à Abidjan pour s’en émouvoir auprès de notre président. A sa sortie d’audience avec le chef de l’Etat, elle avait eu des propos qui ne laissaient aucun doute sur les inquiétudes de la CPI quant à la volonté du régime de continuer à coopérer pleinement pour la suite des procédures : « Je suis venue m’assurer que la coopération de la Côte d’Ivoire avec la CPI se poursuivra. Nous avons besoin de revenir sur certains points, afin de nous assurer de la coopération des autorités pour faciliter notre travail sur le terrain. Nos gens sont ici, nous travaillons…
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Et aussi et surtout, à partir du mois de juin, je vais m’occuper du cas ivoirien en tant que procureur de la CPI. Maintenant, nous menons aussi nos enquêtes dans l’ouest du pays… Juste pour envoyer le message que nos investigations concernent toutes les parties concernant les crimes commis lors de la crise post-électorale.» C’est qu’après le transfèrement de Laurent Gbagbo et après avoir reçu les nouveaux mandats d’arrêt, le régime d’Abidjan, sous le prétexte que la justice ivoirienne avait maintenant les moyens de juger tout le monde en Côte d’Ivoire, avait décidé de ne plus exécuter le moindre mandat d’arrêt. Et pour le démontrer, alors que Dogbo Blé est présumé être l’un des premiers responsables des crimes pour lesquels Laurent Gbagbo a été inculpé en tant que « co-auteur indirect », le régime l’a fait juger à Abidjan et condamner à 15 ans de prison ferme, le 11 octobre 2012. Autant dire qu’il ne sera jamais extradé. « Devant cet acte qui a été vécu comme le non-respect de la parole donnée, rapporte un contact de « L’Eléphant » proche de la CPI, les juges ont décidé, sans en aviser Abidjan, de lever les scellés, le 22 novembre 2012, soit à peine un mois après la condamnation de Dogbo Blé, sur le mandat d’arrêt visant Simone Gbagbo ». Avant d’appeler le gouvernement Ouattara à exécuter rapidement ce mandat d’arrêt en remettant Simone Gbagbo à la CPI. Pris de vitesse, le gouvernement ivoirien est resté sans voix pendant des jours. Avant de trouver quelques éléments de langage bien plus tard. Depuis, alors qu’il a promis se prononcer rapidement sur la demande de la CPI, cela fait maintenant plus de deux mois que les juges attendent la décision du gouvernement Ouattara. C’est que, pour des questions de politique et surtout de sécurité interne, notre président a décidé de ne plus transférer un Ivoirien, quel que soit le crime qui lui est reproché, à la Cpi. LE JOuR D’AVANt Et LE JOuR D’APRès LE mANDAt DE simONE Selon une source de « L’Eléphant », «le mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo a effrayé Blé Goudé. Lequel a fini par comprendre que son salut ne pouvait venir que du régime Ouattara. Recherché par l’Onu, poursuivi par la Cpi, il ne pouvait plus trouver refuge nulle part dans le monde. C’est depuis le 22 novembre 2012 que Blé Goudé a réalisé que Ouattara avait gagné la bataille et qu’il fallait mettre balle à terre tout en continuant à parler toujours haut pour tromper la vigilance de ses partisans. C’est lui qui a pris contact avec le régime, ce n’est pas le contraire qui s’est produit. Il avait tout de suite compris qu’il pouvait tirer profit du refus de Ouattara de livrer Simone en se livrant lui-même à Ouattara pour échapper à la Cpi et permettre au régime de ne pas exécuter les mandats concernant les gens de son camp». En effet, dans une interview accordée au confrère « L’Inter » et publiée dans son édition du 2 décembre 2012, Blé Goudé avait dit, au sujet du mandat d’arrêt lancé contre Simone Gbagbo, lequel mandat confirmait les révélations de Soro Guillaume : « Je ne sais pas si le régime d’Abidjan pourra survivre au transfèrement des chefs de guerre et de Soro. Car, c’est la conséquence logique de l’exécution du mandat contre Simone. Je trouve que Ouattara a agi dans la précipitation dans le dossier ivoirien, or la précipitation est source d’erreurs. L’avenir nous situera.» En effet ! Question du journaliste : « A l’instar de Simone Gbagbo, vous serriez également sur la liste des personnalités ivoiriennes que la CPI veut transférer à La Haye. En êtes-vous informé, et qu’en pensez-vous ? » Réponse : « C’est vous qui m’apprenez que je figure sur une liste de personnalités que la Cour pénale internationale recherche. Pour le moment, on ne m’a pas encore signifié que la CPI me recherche. Donc, souffrez que je ne puisse pas me prononcer sur cette question. Le jour où il me sera signifié de façon claire que cette Cour me veut dans son box, en ce moment je pourrai tranquillement me prononcer. » Question : « M. Blé Goudé, dites la vérité aux Ivoiriens : quels sont vos rapports avec le ministre Hamed Bakayoko ? Il semblerait que vous êtes en contact très serré et que vous négociez votre retour au pays… » Admirez la réponse : « Je ne sais pas ce que vous appelez contact très serré. Tous ceux qui, d’une manière ou une autre ont tenté de me contacter pour engager une quelconque négociation, connaissent ma position. Je n’éprouve aucune honte et aucune gêne à discuter avec un adversaire politique, d’autant que je me sens capable de défendre et faire valoir mon point de vue partout où besoin se fera sentir. Au- delà du Ministre Hamed Bakayoko, beaucoup de personnalités du monde politique cherchent à me parler de par le monde. » Il venait d’avouer enfin les tractations qu’il y avait entre lui et le « sécurocrate » du gouvernement Ouattara. Tractations qu’un certain Soro Guillaume suivait de près. Le 8 septembre 2012, invité par une coalition de « Jeunes patriotes » à Yopougon, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, avait fait cette révélation : « Blé Goudé m’appelle et on se parle au téléphone… » Le 15 septembre, c’est-à-dire avant le lancement du mandat d’arrêt contre Simone Gbago, dans une interview accordée au site internet « slateafrique », Blé Goudé avait répondu à Hamed Bakayoko. Et cette interview a été reprise dans plusieurs journaux pro-Gbagbo, avec ce titre décalé : « Que Hamed Bakayoko arrête son fouka-fouka politique ». En réalité, Blé Goudé avait utilisé un ton plus sérieux : « A quoi cela sert-il de parler avec un pouvoir qui, la journée, parle de paix, et la nuit traque et fait enlever vos proches? La traque, les arrestations et autres enlèvements de la plupart des responsables du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep), sont-ils le résultat du contenu de nos conversations téléphoniques? De quoi parle-t-on? Je suis assez intelligent pour comprendre que quand on frappe le margouillat, le lézard doit s’apprêter. Dans notre pays, les tenants du pouvoir ne font que raisonner au présent, comme s’ils n’ont jamais eu de passé et comme si pour eux demain n’arrivera jamais. Demain finit toujours par arriver; et quand demain arrive, il s’appelle aujourd’hui. Je demande au ministre Hamed Bakayoko de prendre la mesure du poids de la responsabilité qui est la sienne dans une Côte d’Ivoire meurtrie qui cherche encore ses marques. En ce qui me concerne, à travers des déclarations officielles, j’ai lancé un appel au régime pour un dialogue franc et sincère, j’attends une réponse officielle en retour pour apprécier. Tout le reste n’est que du fouka-fouka politique. » Ici, il avait nié tout contact avec Hamed Bakayoko. Entre la réponse du 2 décembre, après le mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo et la réponse du 15 septembre, il y a eu une nette évolution dans le langage de Blé Goudé. LA PRisON DANs mON PAys Et LA PRisON à LA CPi « Blé Goudé est un calculateur. Il se voit jouer un rôle politique de premier plan en Côte d’Ivoire dans dix ou 15 ans. Il ne pouvait pas accepter d’aller finir sa vie à la CPI. C’est le calcul qu’il a fait et c’est ce qui l’a amené à transformer le Cojep en mouvement politique. Il a bien choisi le mot. Il a dit mouvement politique et non parti politique, pour ne pas éveiller les soupçons des partisans de Laurent Gbagbo qui l’auraient soupçonné de jouer désormais sa propre carte au lieu de mener le combat pour la libération de Gbagbo. Le seul but de cette transformation du Cojep, c’est de pouvoir tisser des alliances à terme avec n’importe quel camp… », explique notre source. C’est que le 18 décembre 2012, à l’issue d’un congrès extraordinaire qui n’a pas été interdit par le régime, alors que la JFPI n’arrive pas à organiser la moindre réunion, les amis de Blé Goudé, sur ses instructions, avaient transformé le Cojep (congrès des jeunes patriotes), en « congrès panafricain des patriotes pour la justice et l’égalité des peuples». Dans une interview accordée à « Notre Voie » et publiée quelques jours après la transformation du Cojep en mouvement politique, Blé Goudé avait essayé une explication de texte sur la différence entre un mouvement politique et un parti politique : « La différence entre un parti politique et un mouvement politique se trouve dans l’objet de l’action. Alors que le parti politique a pour principal objet la conquête et l’exercice du pouvoir politique, le mouvement politique est porteur et promoteur d’idées sans pour autant viser la conquête et l’exercice du pouvoir. Voilà la différence cher monsieur». Et c’était censé convaincre les partisans de Gbagbo qu’il ne cherchait pas à se positionner en successeur de Gbagbo ? Question du journaliste : « Un quotidien de la place a affiché à sa Une que Blé Goudé a tourné la page Gbagbo. Est-ce vrai ? » Réponse de Blé Goudé : « La même presse a aussi écrit que j’ai créé mon parti politique malgré les résolutions que nous avons publiées parce que nous n’avons rien à cacher. Mais je dois vous dire que je ne laisserai pas la presse décider à ma place. Non, je ne suis pas aussi naïf que ça. la transformation du cojep en mouvement politique, loin d’être une action parricide, doit être comprise comme un acte politique courageux qui vient pour renforcer, perpétuer et pérenniser l’oeuvre de notre maitre, Laurent Gbagbo. Le jour où il reviendra, il sera fier de ne pas trouver tout en l’état et il nous félicitera d’avoir fait bouger les lignes. Car la carpologie politique de la Côte d’Ivoire post crise ne sera plus jamais la même. Évitons d’être des gens qui regardent sans voir. Le Cojep mènera le combat pour la libération de Gbagbo auprès du FPI. La Côte d’Ivoire de demain sera faite d’alliance. GBAGBO et son parcours sont ma source d’inspiration. Il m’avait déjà averti que je ferai face à une adversité, fruit d’un déterminisme générationnel. Je refuse d’être un héritier cueilleur, je suis un héritier dans la dynamique de création pour mieux fructifier l’héritage de notre maitre Gbagbo. Comme nous ne sommes pas partisans des coups de force, marquons la différence par notre intelligence ». « LA CôtE D’iVOiRE DE DEmAiN sERA fAitE D’ALLiANCE » C’est dans ce bout de phrase que se trouve en réalité, la vérité sur l’arrestation de Blé Goudé. Blé Goudé a compris que la Cpi ne libèrera pas Laurent Gbagbo. Que le 19 février prochain, les charges contre ce dernier seront confirmées. Devait-il continuer à affronter seul la communauté internationale, au risque de se retrouver à la CPI ou faire preuve de réalisme pour comprendre qu’il a plutôt intérêt à coopérer avec le régime en place en restant au moins emprisonné en Côte d’Ivoire ? C’est ce choix réaliste, que, selon notre source, Blé Goudé a fait. sORO GuiLLAumE A VENDu LA mèChE « Je suis surpris que les Ivoiriens ne fassent pas attention aux déclarations de Soro Guillaume. J’entends des partisans de Gbagbo qui refusent de croire en l’existence d’un deal entre Blé Goudé et le régime Ouattara, poser la question de savoir ce que gagne Blé Goudé à s’arranger avec le régime. Mais Blé Goudé gagne tout. Le régime lui fait la promesse de ne pas le livrer à la Cpi. Et sa non-livraison à la Cpi, ajoutée à celle de Simone Gbagbo, permet au régime de protéger ses propres éléments visés par la Cpi. C’est un marché gagnant-gagnant et Blé Goudé l’a saisi. C’est tout. Il n’y a pas d’autres explications. En restant emprisonné en Côte d’Ivoire, il gagne tout. A la Cpi, il perd tout. Personne ne peut cracher sur un tel marché. Et Soro Guillaume, sans doute pour tenter de minimiser le succès du ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko qui piloté toute l’opération, est allé, sans que personne ne lui demande quoi que ce soit, donner son point de vue sur son blog. Toute l’histoire de l’arrestation et l’extradition de Blé Goudé se trouve dans les propos de Soro Guillaume », précise encore la source de « L’Eléphant ». En effet, se prononçant sur l’arrestation et l’extradition de Blé Goudé en deux temps trois mouvements, non pas dans un média officiel mais sur son Blog, Soro Guillaume a déclaré : « Je vais vous dire, je n’aime pas beaucoup commenter les arrestations, car j’ai moimême été arrêté à cinq reprises dans mon pays pendant mes années de militantisme estudiantin. Toutefois, je peux dire que je préférais la prison dans mon pays où je pourrais faire face à la justice qu’une vie de fugitif. Car je sais aussi ce que c’est que d’avoir des montées d’adrénaline en permanence et de devoir se cacher tous les jours. C’est pire que la prison, croyez-moi». Traduction, Blé Goudé s’est livré pour échapper à la Cpi. Le deal callé, il ne restait plus selon notre source, qu’à trouver le moment le plus propice. Et ce moment s’est présenté avec le sommet de la Cedeao à Abidjan et l’ouverture, le samedi 19 janvier de la CAN en Afrique du Sud. Deux événements majeurs le même jour. Difficile de trouver mieux pour détourner l’attention et noyer l’arrestation de Blé Goudé. Arrestation suivie quelques heures plus tard, d’une extradition éclaire, hors procédure judiciaire. Selon une autre source proche de la Cpi, « dans le droit de type anglo-saxon comme celui du Ghana, il est impossible d’extrader quelqu’un, qu’il soit en résidence officielle ou officieuse, sans une décision judiciaire. C’est impossible. Le seul moyen de neutraliser cette procédure, c’est la décision de la personne arrêtée de renoncer à tous ses droits. Dans ce cas, la justice n’est pas saisie de l’affaire». Il suffit de voir ce que provoque la volonté de Koné Katinan de ne pas venir, menotté à Abidjan, pour s’en convaincre. Si Blé Goudé voulait rester au Ghana, il serait resté au Ghana. Du moins, pendant plusieurs mois encore, le temps de l’épuisement de tous les recours judiciaires. Mais rester au Ghana signifiait prendre le risque d’aller à la Cpi, en cas de levé des scellés sur le mandat d’arrêt qui le vise. Et personne, dans ce cas, n’aurait pu le protéger. En réalité, l’histoire de l’arrestation de Blé Goudé est semblable à celle des aveux du cycliste américain, Armstrong. « Dealer » avec le régime pour ne pas aller à la Cpi, pour Blé Goudé et dire la vérité pour ne pas être ruiné, pour Armstrong. Continuer à défendre Gbagbo et aller à la Cpi ou être emprisonné en Côte d’Ivoire et sauver à terme, sa tête ? Voici la question à laquelle Blé Goudé devait répondre après le 22 novembre 2012, date du lancement du mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo. Mais les partisans de Gbagbo sont divisés sur le déroulé des événements. Comme si Blé Goudé était dans le bunker avec celui pour qui il avait déclaré être prêt à mourir, avant les bombardements de la Licorne et de l’Onuci. DANiEL
Le mandat de la CPI
Me Nick Kaufman est un avocat assermenté auprès de la Cour Pénal internationale. Selon les sources de « L’Eléphant », c’est l’un de ceux qui maitrisent le mieux les procédures à la Cpi. Il fait partie, aujourd’hui, des avocats dont Blé Goudé s’est attaché les services pour le cas où. Dans une interview accordée à « Jeuneafrique.com » dans les heures qui ont précédé l’arrestation de Blé Goudé, il avait levé un coin de voile sur l’existence d’un mandat d’arrêt de la Cpi contre Blé Goudé : « D’après mes informations, il (Blé Goudé) est détenu dans les locaux du Bureau national des investigations du Ghana. Le procureur de l’État, Matthew Amponsah, doit me contacter plus tard dans la journée, et m’a dit agir dans le cadre du mandat d’arrêt de la CPI. Je ne suis pas en mesure de le confirmer ( si le mandat est de la Cpi ou de la Côte d’Ivoire, ndlr) pour l’instant, c’est à la CPI de le faire. J’ai contacté les procureurs chargés du dossier de Charles Blé Goudé à La Haye, Fatou Bensouda et Eric MacDonald, mais je n’ai pas encore obtenu de réponse. (…)Le nom de Charles Blé Goudé est mentionné dans les accusations de la CPI portées contre Laurent Gbagbo. Le parquet à La Haye le cite comme membre de sa garde rapprochée, et le soupçonne de crimes contre l’humanité commis lors des violences post-électorales en Côte d’Ivoire… » D.s