Déguerpissement d’accord, mais trame d’accueil d’abord !
(Dixit les occupants)
Plus de 300 occupants de la forêt classée de Dida, situé dans la Comoé à une centaine de kilomètres à l’Est de Banfora ont fait une descente sur Banfora le mercredi 14 mars 2012 où ils se sont rendus au gouvernorat des Cascades, le drapeau burkinabé en main, pour demander des mesures d’accompagnement à leur déguerpissement de la forêt classée souhaité par l’Etat. Mais en attendant leur départ de la forêt, ils exigent que soit mis fin à ce qu’ils qualifient d’exactions des agents du service départemental de l’environnement et du cadre de vie de Mangodara. Au sortir de la rencontre que le gouverneur a tenu sine die avec eux, ils se sont satisfaits mais attendent que le gouvernement leur trouve un site d’accueil.
C’est une foule semblable à celle des grands rassemblements de protestation qui est arrivée très tôt le mercredi 14 mars 2012 devant les locaux du gouvernorat des Cascades. Plus de 300 personnes à vue d’œil, certains sur des motos du genre Sanili et d’autres à mobylette ou à pied à partir de l’auto-gare de Banfora où ils ont été déposé par un camion. Tous étaient poussiéreux tout comme leurs montures d’ailleurs. Après renseignement, nous apprenons qu’il s’agit de producteurs établis dans la forêt classée de Dida, située à cheval entre la commune de Mangodara et celle de Ouo, à une centaine de kilomètres à l’Est de Banfora. Cette forêt selon les producteurs abrite plus de 200 000 personnes établis dans une vingtaine de villages. A ceux-ci ainsi qu’aux autres occupants de la forêt, une mission instruite par le gouverneur de la région des Cascades, à la demande du gouvernement et conduite par le DR de l’environnement, a, au cours du mois de février 2012, intimé l’ordre de déguerpir dans un délai d’1 mois. Ce délai arrive à expiration en principe le 22 mars 2012 et les producteurs criant à coup de force et se sentant incapables de respecter ce délai ont décidé de se faire entendre. D’où cette descente à Banfora.
Mon village existe depuis avant la razzia de Samory Touré
Pendant que l’un d’eux s’évertuait à nous expliquer l’objet de leur venue, un autre, Yacouba Ouattara qui allait se révéler plus tard le principal porte-parole de la délégation lors de l’entretien avec le gouverneur s’avance et résume le tout quelques mots. « Nous sommes ici à Banfora parce que tout Burkinabé que nous sommes, l’Etat nous a renié. Il nous demande de quitter les terres que nous exploitons parce que c’est une forêt classée sans pour autant nous montrer une zone où nous pourrons nous installer ».
Après lui, nous avons approché les maires des communes rurales de Ouo et de Mangodara qui partagent la forêt classées. Le second, Doulaye Ouattara nous fait le point des revendications de la population en quatre points. Il s’agit en effet du délai qu’elle juge trop court pour le déguerpissement, de l’inexistence d’un centre d’accueil, de exactions du service département de l’environnement et du développement durable de Mangodara dont le premier responsable du nom ce Pierre Mesmer Bayala, est accusé de faire trop de tirs d’intimidation, d’avoir menotter une femme en grossesse provoquant ainsi son avortement, de favoritisme à l’endroit des éleveurs à qui il délivre des autorisations pour faire paître leurs animaux même dans les champs, de brûlage de céréale et de recouvrement d’amendes sans quittance. Les habitants de Sassamba et de Goté, 2 villages dans la forêt, quant à eux récusent leur appartenance à la zone de forêt classée au motif que leur village existait avant même la razzias de Samory Touré dans la zone autour des années 1900 et que la bataille de Tièfing, roi du Kénédougou les a trouvé là. Bakary Ouattara un vieux d’environ 70 ans, qui s’est ainsi exprimé demande par conséquent un nouveau traçage de la voie périmétrale de la forêt. Toute chose qui lui permettra de s’assurer si oui ou non il est établi dans la forêt classée.
L’Etat est-il jaloux de notre épanouissement ?
C’est sur ces faits que le gouverneur décide de les rencontrer vers 10 heures et demi. C’est après plus de 4 heures d’explications que les plaignants dont la position s’était radicalisée ont commencé à comprendre. Des détails qu’ils ont fournis, on retient de leur avis que la forêt classée de Dida est devenue une mine d’or pour les agents du SDEDD de Mangodara qui verbalisent sans retenue et souvent sans quittances à des sommes allant de 50 mille à 300 mille francs CFA. Selon le principal porte-parole des plaignants Yacouba Ouattara, le responsable du SDEDD de Mangodara se comporte en véritable cow boys, en agent de l’Etat qui fait tout à la fois. « Le chef du SDEDD en plus d’être forestier se permet de prendre de l’argent avec tout acquéreur de nouvelle moto ou vélo comme s’il était un douanier. Il perquisitionne chez des gens même en leur absence. Il fait dans la violence et n’hésite pas tirer des coups de feu comme si nous étions en temps de guerre » raconte-t-il. Même les véhicules qui viennent chercher nos productions sont verbalisés déplorent les producteurs qui vont même jusqu’à se dire que le gouvernement burkinabé est jaloux de leur épanouissement à Dida. « Comme nous arrivons à nous réaliser par nos travaux, nous achetons de grosses motos et nous marions 2 à 3 femmes, c’est pourquoi l’Etat pris de jalousie nous demande de quitter » disent-ils sous des acclamations. Dans tous les cas, nous ne quitterons pas la zone tant qu’on ne nous aura pas montré un site d’accueil. Ce que les plaignants disent ne pas comprendre, c’est que les producteurs désireux de quitter la forêt doivent au préalable obtenir du SDEDD de Mangodara une autorisation. « Tous les camions qui accède à Dida soit pour transporter nos bagages ou nos productions sont saisis et doivent payer une amende » disent-ils.
Je ne peux pas vous dire de rester pendant que le gouvernement m’instruit de vous faire partir
Le gouverneur Léonard T Guira avant tout propos a fait savoir que la décision des producteurs de lui soumettre leur préoccupation est noble mais que cette noblesse est entachée par leur nombre abyssal. « Seulement, sachez que votre déguerpissement est obligatoire. C’est le gouvernement qui le demande et moi je ne peux vous dire que allez rester » leur a-t-il dit d’emblée avant d’ajouter que la mission conduite par le DR de l’environnement a été instruite par l’équipe du gouvernement venu s’enquérir des préoccupations de la région en février dernier. Pour le gouverneur, cette mission devait sensibiliser les occupants et les amener à quitter la forêt. Et le délai d’un mois qu’elle a fixé, qui me parait court, devrait l’être de concert avec vous. « Personnellement, je me suis montré septique quant à votre capacité de respecter ce délais car, même pour quelqu’un qui s’installé il y a seulement 5 ans, il est difficile de demander de partir dans un délai d’un mois » a lancé au gouverneur. A la délégation venue de Dida, Léonard Guira a indiqué qu’il est également contre l’idée d’autorisation à cherhcer auprès du SDEDD qui précède leur départ. Tout en les prévenant qu’il n’y a pour le moment aucune mesure pour accompagner leur déguerpissement, il a signifié que les camions doivent pouvoir pénétrer dans la forêt pour effectuer les déménagements sans être saisis par les agents forestiers. « Ceux qui peuvent dès à présent peuvent partir » a-t-il avant de leur demander une fois de retour à Dida, de se concerter pour trouver un délai réaliste qui doit lui être transmis au plus tard le 30 mars 2012. Pour ce qui est des agissements des agents forestiers, le gouverneur qui dit avoir des frissons face aux différentes révélations promet des enquêtes en vue d’approfondir la question. « Si quelqu’un est coupable, on va le gérer comme on doit le gérer. Chacun répondra des actes qu’il a commis » a-t-il conclut.
Mamoudou Traoréun goût d’inachevé
Au sortir de la rencontre, nous avons voulu savoir si les plaignants étaient satisfaits. Loin de là disent-ils. La rencontre semble avoir un goût d’inachevé tant Yacouba Ouattara et Missir Sawadogo tout comme les autres aurait voulu que le gouverneur leur dise qu’il est prévu un site d’accueil et des mesures d’accompagnement.
Yacouba Ouattara : Nous ne sommes pas d’accord avec ce qui vient d’être dit mais nous sommes contraints de partir. Si le gouvernement atteste que la forêt de Dida est classée, nous n’y pouvons rien. Notre souci à partir de cet instant est lié au site qui va nous accueillir. Si vous regardez tous ceux qui sortent de la salle ont mine serrée. Après plus de 50 ans de vie pour certains, 60 ou 100 pour d’autres où voulez-vous qu’ils partent ?
Missiri Sawadogo : Comme c’est le premier responsable de la région qui a parlé directement aux concernés, je pense que les choses sont suffisamment claires. Maintenant le problème qui se pose, c’est où vont-ils allées. Ils sont dans une forêt classée qui appartient à l’Etat. Vu la taille de la population qui vit là-bas, je pense que l’Etat peut trouver une solution en leur donnant un site. C’est un problème social et je pense que le gouvernement pourra trouver une solution à problème social.
Vous avez suivi la crise ivoirienne avec le retour massif de nos parents qui y sont. Ce sont ces mêmes parents qui sont installés dans la forêt de Dida. Mais déjà les populations repartent satisfaits parce qu’ils savent qu’ils ne seront plus spoliés, maltraités par les agents forestiers de Mangodara. C’est pour eux déjà une victoire.
Propos recueillis par Mamoudou Traoré