LE MONDE | 09.05.2013 à 11h37 • Mis à jour le 09.05.2013 à 12h19 | Harold Thibault
Shanghaï, correspondance
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Les choses étaient assez simples jusqu'à récemment. Baidu avait son moteur de recherche, Tencent ses messageries instantanées, Alibaba - dont le fondateur et PDG, Jack Ma, abandonne, vendredi 10 mai, ses fonctions de directeur général pour ne garder que celles de président - était le champion du commerce en ligne et Sina occupait le terrain des microblogs.
Aujourd'hui, ceux qui ont les sources de revenus - ventes en ligne, publicité, résultats de recherche sponsorisés - marchent sur les plates-bandes de ceux qui ont su fidéliser une communauté d'internautes - les microblogueurs et usagers de messageries instantanées - mais sans, pour l'heure, avoir pu la monétiser.
C'est dans cette logique qu'Alibaba s'est rapproché de Sina. Le géant du commerce en ligne a acquis 18 % de son service Weibo, équivalent chinois de Twitter, pour 586 millions de dollars (445 millions d'euros), le 29 avril.
"Sina a du mal à convertir son énorme trafic en profits", explique Duncan Clark, président de BDA, un cabinet spécialisé dans les nouvelles technologies en Asie, basé à Pékin. D'où l'intérêt d'une alliance avec Alibaba.
LE "SOCIAL COMMERCE"
Ces deux acteurs incontournables coopéreront sur "la connectivité des comptes, l'échange de données, le paiement en ligne, le marketing, entre autres choses". Reste cette équation à résoudre : comment marier réseaux sociaux et commerce en ligne, le "social commerce", sans faire fuir l'internaute ?
Pour le géant du commerce en ligne, l'opération ouvre deux portes, celle de l'Internet mobile et celle des communautés Weibo. Ce sont justement ces deux problématiques qui obsèdent Jack Ma.
De longue date, le fondateur d'Alibaba, qui s'apprête à 48 ans à prendre ses distances du groupe qu'il a construit, est convaincu que l'avenir appartiendra à ceux qui sauront maîtriser l'ensemble de la chaîne de l'Internet mobile.
Alibaba dispose de son propre système d'exploitation, lancé en 2011, qui ne parvient pas à s'imposer sur un marché dominé par Android. Google avait d'ailleurs réussi en 2012 à dissuader le fabricant taïwanais Acer de créer un téléphone fonctionnant sur le système d'Alibaba, alors baptisé Aliyun et désormais renommé Amos.
Jack Ma n'est pas du genre à se décourager, et, à la mi-avril, Alibaba annonçait un accord avec cinq marques chinoises de smartphones afin qu'elles lancent, en contrepartie de financements, six modèles sous son système d'exploitation. Dans cette même logique, le groupe a également mis 1 milliard de yuans (123,8 millions d'euros) à disposition de développeurs d'applications.
CONCURRENCE CROISSANTE ENTRE ALIBABA, TENCENT, BAIDU
Sur le front des réseaux sociaux, Alibaba avait lancé l'offensive en décembre 2011, en présentant son propre service, LaiWang, qui s'est montré incapable jusqu'ici de concurrencer les Weibo, les plates-formes de microblogs de Tencent ou de Sina.
"Alibaba, Tencent, Baidu se font une concurrence croissante, à mesure que l'on passe de l'ordinateur au téléphone portable", constate M. Clark, également associé au projet China 2.0 de l'université de Stanford aux Etats-Unis.
Ainsi, relève-t-il, le moteur de recherche Baidu n'oriente pas ses utilisateurs vers la plate-forme d'achats en ligne Taobao, qu'Alibaba a créée en 2003. Et le groupe propose déjà plusieurs services proches du réseau social comme, par exemple, Tieba, un forum organisé autour de mots-clés de recherche.
Tencent n'est pas en reste. L'entreprise dit avoir attiré 300 millions d'usagers sur WeChat, une application proche de sa concurrente californienne What's App, qui permet l'échange de messages vocaux et de texte entre smartphones par l'intermédiaire d'Internet. Elle a, au passage, suscité l'ire du premier opérateur mondial, China Mobile, privé d'une source de revenus. Comme sur Facebook, les usagers de WeChat publient photos et autres billets d'humeur.
Ce groupe de Shenzhen (province du Guangdong) s'est, dans un premier temps, davantage intéressé au nombre d'usagers qu'au revenu qu'il pouvait en tirer. Mais il compte bien maximiser les gains, une fois WeChat devenue incontournable.
"L'INNOVATION EST LA FORCE MOTRICE SUR INTERNET"
Il relance désormais son service de paiement en ligne, Tenpay, qui disposait en 2012 de 22 % du marché des paiements sécurisés par l'intermédiaire d'un compte tiers en Chine, contre 49 % pour Alipay, d'Alibaba, selon le cabinet Analysys. Ce rapport de force s'inversera-t-il si, comme Tencent l'espère, il réussit à imposer les paiements en ligne sur l'application WeChat ?
Cette convergence entre réseaux sociaux, moteurs de recherche et achats en ligne nourrit une concurrence acharnée entre tous ces groupes et donc une course aux talents et à la créativité qui n'est pas sans rappeler la Silicon Valley.
Alibaba a ainsi introduit un programme d'incubateur d'idées au sein duquel ses employés peuvent librement former des équipes et proposer de nouveaux produits ou des améliorations. Ces idées novatrices sont ensuite mises en concurrence avec celles d'autres équipes et présentées devant un comité d'évaluation interne, avec à la clé des récompenses et la satisfaction de voir sa contribution mise en application sur les sites d'Alibaba.
"Ce programme nous garantit de bonnes idées et des gens créatifs", explique Trudy Dai, vice-présidente d'Alibaba chargée des ressources humaines. Le cliché veut pourtant que la créativité ne soit pas le fort de la Chine, mais les temps changent. "L'innovation est la force motrice sur Internet", avance Mme Dai.
Allez-vous changer votre utilisation des réseaux sociaux ?
Les révélations sur l'existence du programme Prism ont confirmé qu'une partie des données envoyées quotidiennement sur ces services sont enregistrées et scrutées par les services secrets.
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