Par M. Gaston Joseph. ,
La région de la Côte d'Ivoire, sur laquelle portent les notes qui vont suivre, couvre une superficie d'environ 4.000 kilomètres carrés. Elle est limitée, a l'est, par la lagune Ebrié et la zone continentale ‘ séparant celle-ci du Bandama jusqu’à à Broubrou ; à l’ouest, par la lagune de Lanzoa et la rivière Dougoudou ; au nord, la parallèle de Broubrou ; au sud, par l’Océan.
Elle se divise en deux zones géographiquement bien distinctes.
GASTON JOSEPH. — NOTES SÛR LES AVIKAMS ET LES DIDAS 235
1° La zone maritime comprenant une bande sableuse formant le litto
rals ur lequel déferlent éternellement les rouleaux de la barre. Ce littoral
large de 50 à 500 mètres, bas, monotone, mais sain parce que toujours
balayé par la mousson du Sud-Sud-Ouest, protège une lagune étendue
baignant de nombreux petits ilôts et les presqu'îles du Brignan et du
Bandama.
Il est percé par l'embouchure du Bandama à trois kilomètres Est de
Grand-Lahou par laquelle la marée se fait sentir en lagune.
La lagune est bordée au nord et à l'ouest par une côte latéritique très
déchiquetée. Elle est peu profonde (de 0 m. 50 à 4 mètres) et reçoit quel
ques belles rivières dont les plus importantes sont : le Bandama, le Yokoboué
ou Gô, le Goboa ou Boubo et la rivière Dougoudou .
2° La zone forestière suffocante, malsaine, amorcée dès les rives lagunaires
par une végétation faite d'arbres spongieux, peu épais, élancés,
mais où dominent surtout plusieurs variétés de palmiers : raphia et
calamus.
La grande forêt commence réellement à 15 ou 20 kilomètres de la côte.
Elle n'est guère accessible que par les vallées des rivières précitées car
les sentiers mal frayés qui, ça et là, unissent les villages traversent des
espaces inondés une partie de l'année.
Les villages avikams, nombreux, sont installés tout le long de la
bande sableuse du littoral de Craffy à Ebbounou.
De chacun d'eux dépendent les villages dits de plantation établis sur
le bord de la presqu'île Brignan et principalement sur la côte Nord-Est de
la lagune de Lahou.
De nombreux villages Avikam, Jakba et Baoulé sont également cons
truits sur les bords du Bandama, large d'environ 300 mètres. Ils sont
établis sur les concavités des méandres du fleuve, c'est-à-dire sur les hau
teurs le surplombant, et obligeant son cours à changer de direction.
Les vallées des autres rivières sont inhabitées par suite des crues
annuelles s'étendant à plusieurs kilomètres sur chacune des rives.
C'est seulement au-delà des vallées d'inondation que se rencontrent les
agglomérations auxquelles on accède par un sentier généralement pas
sable partant du débarcadère où sont tirées les pirogues.
Une seule tribu, la tribu Yokoboué, habite les rives d'un cours inférieur
celui de la rivière Gô. Et, encore une partie de celle-ci est-elle établie sur
un plateau d'environ 80 mètres de hauteur où, par extraordinaire, la
forêt s'éclaircit de savanes assez étendues.
Les tribus vivent isolées sur un espace relativement restreint, aussi y
a-t-il lieu de constater de grosses taches désertiques dans la région, par
ticulièrement au-delà des rives du Bandama, et dans la zone comprise
entre la rivière Dougoudou et la rivière Gô jusqu'au parallèle de la tribu
Goboa.
Toutes les populations auxquelles se rapportent ces notes ont dû sui
vre le grand mouvement d'émigration des Agnis en général. Il s'est pro
duit, dans ce mouvement des fusions de races car l'on constate des
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analogies marquées soit dans les individus, soit dans les dialectes, soit
dans les coutumes de ces peuplades.
Le type de la race ne se différencie guère du type nègre proprement
dit. La taille est moyenne. Le teint est marron assez clair surtout chez les
gens de la forêt. Les. incisives ne sont pas taillées en pointe comme chez
les peuplades de la côte de Kroo et les héouolés.
L'indigène est plutôt lâche, craintif, menteur, fuyard et peu hospital
ierO.n dirait' qu'il a les tares propres aux races éternellement oppri
mées.
Il n'est pas guerrier. La guerre entre tribus ne consiste pas en batailles
rangées, en assauts de villages, mais en assassinats isolés ou en prises
d'individus.
Il ne se rend jamais à ses plantations sans son fusil ou, à défaut, sans
la matchette qui est un long coupe-coupe. Il ne voyage jamais sans cette
arme lui servant également d'outil.
Parures, costumes. — Les tatouages varient de tribu à tribu et sont sou
vent fantaisistes. Chez les Yokoboués le tatouage consiste en quatre
lignes verticales et parallèles a chaque tempe et entre les sourcils.
Femmes et hommes portent les cheveux courts tressés de la même
façon, réunis en petites touffes formant des carrés isolés.
En forêt, les hommes portent très souvent une houpe de longs cheveux
au sommet du crâne.
Les vieillards gardent parfois une barbe courte. La moustache consiste
fréquemment en une petite touffe a chaque coin des lèvres ; le reste est
rasé. Le noir étant priseur prend cette précaution afin de ne pas s'enduire
Ja base des narines de poudre de tabac.
Les Avikams et déjà les populations forestières visitées par les traitants
sénégalais, apolloniens et fantis, acheteurs de caoutchouc ou d'huile,
abandonnent les pagnes du pays pour se vêtir de pagnes d'importation
européenne ou fabriqués à Quitah, en Gold coast, avec des fils d'importat
ion.
L'homme se drape élégamment de ces pièces de tissus à la façon d'une
toge. La femme les porte sur les épaules les laissant tomber jusqu'à
hauteur des genoux.
Voici les principaux pagnes indigènes que l'on trouve encore :
1» Pagne baoulé en tissu solide, blanc et bleu.
2° Pagne de raphia, aujourd'hui rare, se vendant jusqu'à 80 francs à la
Côte, porté par les chefs aux jours de fête. Fabriqué par les tribus de la
forêt, il est excessivement bien tressé en fibres fines. Il est agréablement
plissé et coloré de teintures variant du sépia au brun rouge.
3° Pagne d'écorce, très commun dans les tribus de l'intérieur fait avec
le tronc de certains ficus et spécialement d'un arbre appelé « goddé » l
Le bois spongieux et fibreux se laisse bien marteler, et donne des pièces
grandes et solides. L'indigène teint celles-ci en bêche en les trempant
1 Eu brignan comme tous les mots indigènes qui seront cités.
p
/A
Poi Js anciens esn cuivr© pour peser l'or.
GASTON JOSEPH. — NOTES SUR LES AVIKÂMS ET LES DIDAS 237
dans de l'eau bouillante colorée par la racine d'un arbre appelé « chouanakli
».
Le vêtement de travail et le plus- souvent l'unique vêtement est très
sommaire: l'« abbrakou » pour l'homme se compose tout juste d'un
morceau d'étoffe pissant autour des reins et entre les jambes; le «laka »
pour la femme est une ceinture faite de plusieurs rangées de grosses
perles, — quelquefois une simple cordelette deTaphia, — à laquelle est su
spendue une bande d'étoffe passant entre les jambes.
Les petites filles vont nues jusqu'à l'âge de -4 ou 5 ans, les garçons jus
qu'à 6 ou 8 ans.
Des filières de perles suspendues à une mèche de cheveux, nouées
autour des jambes et des bras ou bien passées autour du cou constituent
la parure la plus commune.
L'indigène adore les jours de fête s'enduire le visage et le torse de dif
férentes couleurs, particulièrement de la sève blanche de certaines sapotacées.
Fréquemment, les notables portent la perle bleue dont l'origine est tant
discutée. C'est une perle cylindrique de 3 à 4 centimètres de long sur un
demi-centimètre de diamètre. Les uns s'accordent à lui attribuer une ori
gine égyptienne, les autres prétendent qu'elle est de fabrication véni
tienne.
Les bijoux d'or proviennent du Baoulé où l'on se sert de différents
poids pour peser le métal précieux. J'ai pu me procurer quelques uns de
ces poids dans la région de Lah«ou. Les indigènes m'ont déclaré qu'ils
n'ont pas connu le temps où l'on s'en servait comme mesure. Ce sont soit
des cailloux roulés, soit des graines telles que celles de « arbus precatorus »
dont le poids correspond à cinquante centimes d'or, soit enfin de nom
breux objets de cuivre représentant divers animaux ou fruits (une patte
de crabe, une tortue, une arachide, etc..)
Le seul bracelet indigène faisant encore partie de la parure consiste en
un cercle de. fer, léger, avec nombreuses encoches contenant chacune
une bille qui tinte à la marche. Les femmes en portent jusqu'à six ou
huit aux chevilles.
J'ai pu faire déterrer dans certains villages de gros bracelets pesant
près de quatre kilos. Les indigènes m'ont raconté que jadis, en, signe de
richesse, les femmes des notables passaient leur temps étendues sur des
nattes, immobilisées par ces lourds ornements aux bras et aux jambes.
Les temps ayant changé, comme il a fallu que tout le monde travaille
pour l'impôt, les bracelets ont été enterrés. Ils paraissent fait avec le
métal des manilles. Les dessins en sont grossiers.
On rencontre enfin des peignes d'ivoire ou de bois travaillés sans goût,
ne présentant aucune valeur artistique.
Organisation politique. — A la tête de la tribu est un chef élu par les
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chefs de village et les chefs de case ou notables, la masse est constituée
par les gens soumis à l'autorité du chef de tribu.
Il y a des femmes chefs de village. Celle du village de Grédiberi, entre
Lahou et Dibou, celle de Soukouabo, sur le Bandama, s'acquittent parfai
tement de leur haute mission.
Le chef de tribu dont l'insigne est un long bâton, est le possesseur du
« tabouret », et le gardien des « tabourets » des chefs qui l'ont précédé.
Ce siège lui confère des droits : s'il a des dettes qu'il ne peut acquitter
les gens de la tribu sont moralement contraints de les éteindre; s'il man
que de femmes la tribu doit lui en procurer.
Ce siège lui confère également des obligations, douces il est vrai. Il est
le premier levé, le premier il fait ses ablutions, puis se rend devant le
tabouret et fait des voeux pour le bonheur de ses administrés.
Certains jours de l'année on fête les tabourets. Des femmes au visage
enfariné les transportent sur des planchettes en une sorte de procession.
On les dépose sous un hangar à la porte duquel sont placés les excré
ments du boeuf ou du cabri sacrifié en leur honneur, ceci afin d'éloigner
les mauvais esprits. Il y a tam-tam, on danse, on chante et surtout on
boit force vin de palme.
L'indigène a le respect des vieillards, car ceux-ci connaissent l'histoire
de plusieurs générations delà tribu et peuvent donner d'utiles conseils au
sujet des coutumes. Ils sont consultés dans les palabres efc font générale
menptar tie du tribunal du village.
Famille. — La famille est la base de la société. Elle se différencie de
celle de nos pays en ce qu'un grand nombre d' «adoptés », — si je puis les
appeler ainsi, — en font partie. Ceux-ci sont considérés comme membres de
la famille, et souvent prennent une influence manifeste dans de milieu
nouveau où les circonstances les ont conduits.
Plus l'homme est riche, plus il a d'épouses. Chacune a son lot de terre
à cultiver , chacune à son tour est chargée de pourvoir a la nourriture
du mari, aux soins du ménage et au reste. Dans la tribu avikam l'héri
tage revient à l'un des neveux ou à l'un des frères ; dans les tribus didas
(c'est-à-dire de la forêt) il revient aux fils et aux frères.
Chose digne de remarque, la femme avikam ou brignan semble n'avoir
qu'une affection très relative pour l'enfant en bas âge. Elle l'abandonne
facilement dans la case pour vaquer à ses occupations et c'est là une
cause de mortalité infantile considérable. J'ai constaté une affection plus
grande pour l'enfant chez les femmes didas.
Naissance. — La naissance d'un enfant ne donne pas lieu à une cér
émonie particulière. Le jour où l'on donne les noms et lorsqu'il s'agit de
jumeaux, les parents se patent de perles blanches, s'enduisent de la sève
de quelque arbre latérifère et portent des pagnes blancs.
Mariage. — Pour ce qui est du mariage, souvent la jeune fille est promise'bien
avant d'être pubère. A ce moment seulement les époux cohabit
eront. Alors la femme va se préparer à faire ses visites. Elle ira de case
en case accompagnée d'une petite camarade, toutes deux parées de bijoux
GASTON JOSEPH. — NOTES SUR LES AVIKAMS ET LES DIDAS 239
de plaquettes d'or, le corps enduit de diverses couleurs, [les cheveux
minutieusement tressés. Chacun leur remet un petit cadeau.
La dot payée par le mari à la famille de la femme est la plupart
du temps insignifiante. Elle lui sera remboursée de moitié, si en cas
de. divorce celui-ci est prononcé en sa faveur.
Les relations des conjoints doivent être connues de tous. A cet
effet, une amie ou une parente de la femme, de même qu'un parent ou
camarade de l'homme viennent s'assurer de la vie en commun.
L'adultère est fréquent, la femme indigène étant communément bonne
fille, facile à tenter. Certains maris complaisants surveillent avec une
attention particulière les écarts de leurs épouses, toujours prêts a deman
derà l'amant l'amende toujours élevée que lui inflige la coutume.
Dans quelques tribus l'adultère est puni de terrible façon. La femme
subit les dernières atrocités (nombre considérable de coups de queue de
raie, piquets enfoncés dans les parties génitales, etc.). Une ' carte-post
alreepré sente une femme suspendue par les pieds au milieu des palé
tuviers de l'île des Sacrifices, en face Lahou. Coupable d'adultère on la
trouva ainsi, dans un état de décomposition avancée, la tête mi-enfoncée
dans la vase et mangée par les crabes.
Funérailles. — Les funérailles, donnent lieu aune cérémonie curieuse;
Tout décès étant attribué à un mauvais esprit habitant le corps d'un
individu du groupe, ou procède à la recherche du coupable avant l'ente
rrement.
Au moment où la tribu assemblée se lamente, hurle, chante, six fem
mes vêtues du « Iaka » apparaissent au milieu de la foule portant sur
l'épaule la dépouille mortelle ficelée dans une couverture faite en écorce.
Elles poussent des cris et se précipitent en tous sens tandis que les
gens s'enfuient. Le cadavre circule ainsi jusqu'à ce qu'il ait atteint l'un
des spectateurs": celui qui a causé la mort.
Aujourd'hui cette promenade du corps n'est qu'un reste de coutume.
Jadis le soi-disant coupable subissait des épreuves dont souvent il ne re
venait pas.
Je me suis fait raconter celle du « bois rouge ».
Au retour de l'enterrement m'a-t-on dit, les individus de la tribu s'a
ssemblaient et l'un deux s'approchant de celui qui avait été désigné comme
coupable l'interpellait : « L'esprit du mort t'a accusé, veux-tu boire le
bois rouge ? »
S'il répondait négativement il avait à payer une amende très forte
pour ne pas être victime par la suite de quelque exploit maléfique. S'il
acceptait l'épreuve la date et le lieu en était fixés.
Les familles du défunt et du coupable désignaient chacune quelqu'un
pour aller chercher dans la forêt del'écore d' « ékuirou », c'est-à-dire de
bois rouge.
Le jour dit, à l'aube, les familles des deux parties se rendaient dans
un coin de brousse. L'écorce de bois rouge était mise dans un creuset,
f f '•
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puis écrasée à l'aide d'un pilon de bois. De l'eau était versée dans un ré
cipient et la pâte du creuset y était délayée.. L' « inculpé » accroupi
était nu. On lui passait la préparation dans une calebasse, tandis qu'un
homme de la famille du défunt, placé devant lui, manoeuvrait des cla
quettes., répétant sans cesse ces réconfortantes, parobs : «'Si tu n'a pas
été cause de la mort tu ne mourras pas, sinon c'en est fait de toi ».
Parfois, pour prouver son innocence, trop confiant lui-même en4'efficacité
de ce procédé, le malheureux demandait qu'on lui passa une autre
calebasse, puis une autre. L'épreuve commencée de grand matin devait
se terminer par un résultat décisif vers midi. Le stade des convulsions
arrivait accompagné de délire. Et," lorsque l'individu ne donnait' plus
signe de vie, tout le monde s'en revenait au village avec la ferme certi
tude que le bois rouge avait trouvé et puni le vrai coupable.
Malgré l'absorption d'une grande quantité de poison, il arrivait que le
patient (qui n'avait le droit de faire aucun mouvement pouvant faciliter
les vomissements) parvenait cependaut à rejeter le breuvage. Dans ce cas,
son innocence était claire ; on l'aidait à chasser le bois rouge absorbé, en
lui faisant boire de l'eau à grandes gorgées.
Il arrivait aussi qu'il résistait jusqu'au soir après avoir enduré une
journée entière d'épouvantables souffrances. A la tombée du jour, un
semblant de pitié saisissait les bonnes gens qui le veillaient. On le trans
portait au village, et par compresses et massages multiples ou parvenait
à le ramener à la vie. Il était alors déclaré innocent..
Cette épreuve de 1' « ékuirou » était surtout pratiquée lorsqu'il y avait
eu meurtre. Pour dette ou pour vol, le bois rouge était également pris,
mais chassé au moment des convulsions soit par l'introduction du doigt
dans la gorge, soit en mettant sous les narines de l'individu des excré
ments afin de lui faciliter les vomissements.
Pour en revenir aux funérailles, il y a lieu de remarquer que, dans
bien des cas, l'autorisation de l'enterremeut doit être demandée au félicheur,
et n'est accordée qu'au prix de maints cadeaux consistant en
canaris de vin de palme, perles bleues, chiens, oeufs, poulets, cabris,
pagnes et manilles.
Le corps une fois enfoui, les parents déposent sur la terre qui le recou
vrede s pagnes et un peu de nourriture (manioc, riz, vin de palme).
Deuil é — Les proches parents prennent le deuil pendant prés d'un
mois. Ils revêtent, à cet effet, leurs pagnes les plus fripés les plus usagés. •
Ils se font raser les cheveux par une vieille femme, et se font appliquer
sur le corps un enduit blanc de provenance végétale, appelé « elaouin ».
Pendant le deuil, le conjoint survivant se barbouille la tête et le corps
d'excréments de cabri, et ne se lave que trois jours après cette opération.
Les fêtes durent généralement six jours après l'enterrement.
Autrefois, lorsqu'un grand chef ou un notable venait à mourir, on lui
sacrifiait un ou plusieurs esclaves.
Noyade. — Les individus qui ont touché le corps d'un noyé sont
GASTON JOSEPH. — NOTES SUR LES AVIKAMS ET LES DIDAS 241
astreints, par la coutume, à accomplir certaines formalités sans lesquelles
ils tomberaient malade à bref délai et seraient couverts de gale ou
d'ulcères. Durant huit jours ils s'installent sous un frêle abri, à l'endroit
où l'on a retiré le corps. On leur apporte là leur nourriture, leurs vête
ments et certains breuvages. Ils passent nuit et jour leur temps à chanter,
à s'enduire de teintures diverses. Le délai écoulé, ils sont autorisés a pro
céder enfin à leur toilette.
Fétichisme. — Le fétichisme est le culte du créateur par l'intermédiaire
d'objets très divers qui sont les fétiches : une statuette, une boule de
terre, une queue de boeuf, etc. Les indigènes ont la conception d'un être
suprême, créateur de tout, guidant le monde ; mais cette conception est
tellement vague, indéfinie, qu'ils la matérialisent en idoles devant
lesquelles ils invoquent « Effouzou », Dieu.
En présence d'objets auxquels le féticheur veut donner les vertus
réclamées par son client, il débutera par ces paroles : « Dieu, vous qui
avez créé les hommes, les femmes et les enfants... »
L'idée de Dieu existe donc. Le fétichisme dit-on souvent n'est pas une
religion, c'est une superstition. Tel qu'il apparaît'dans ces tribus, il est
une religion avec ses prêtres et sa morale, se différenciant des autres en.
ce qu'elle n'est pas écrite.
On confond communément sous le mot a fétiche » trois choses bien
distinctes :
1° L'objet intermédiaire entre l'homme et la divinité : le vrai fétiche.
2° L'objet, dent de panthère suspendue à une mèche de cheveux, sachet
suspendu à un collier par exemple, qui est tout simplement le porte-bon
heuder ch ez nous, le gris-gris du Soudan.
3° L'objet mis à l'entrée d'une plantation, sur une pirogue, sur un tas
d'ignames (une coquille d'huître, un morceau de noix de coco, n'importe
quoi), signifiant que cette plantation, cette pirogue, ce tas d'ignames
appartiennent à quelqu'un, c'est-à-dire sont sacrés, sont « tabou ».
L'âme, « egni », résiste à la mort. Les âmes des morts d'une même
famille s'unissent sous terre dans un lieu obscur. Il est possible de corres
pondre avec elles par l'intermédiaire de certains féticheurs. Les âmes des
morts sont pour les indigènes de ces tribus des ombres qui s'assemblent
dans des villages souterrains.
La tribu a généralement un fétiche commun qui doit veiller sur elle, et
lui assurer le bonheur. Chaque village, chaque case a son fétiche parti
culier. En outre il y a des fétiches aux vertus spéciales. En voici que
lques-uns :
Niamia Kouoata : fétiche pour faire fortune.
Lachi loboué : fétiche des étrangers.
Loa akadié : fétiche pour avoir des enfants.
La kissié, la bé, go dé : fétiche pour bien se porter.
Mando et Séké deux fétiches très répandus à la Côte d'Ivoire, dans la.
région forestière. Ils préservent leurs propriétaires des esprits mal inten242
19 mai 1910
tionnés à leur égard. Les gens de Lahou, les « Avikams » vénèrent près-,
que tous « Zriniaba », fétiche ramené de chez Tô, grand féticheur du
Cavally. La garde de Zriniaba est confiée au chef du groupe Mnakoudou.
On le fête certains jours de l'année en lui sacrifiant deux ou trois boeufs.
Les hommes font cuire eux-mêmes la viande, et viennent la manger au
bord de la lagune, près de la case où le fétiche a été transporté pour la
cérémonie. Autour de cette case, formant comme une garde d'honneur,
se tiennent les hommes qui ont été chez Tô. Ils ont en main une sorte
de massue entourée au sommet de la graisse des boeufs sacrifiés.
Zriniaba a toutes les vertus possibles. Il ramène le poisson en lagune
lorsqu'on y jette une goutte d'eau prise dans une petite calebasse que Tô
remit aux envoyés de la tribu, II permet d'avoir beaucoup d'enfants et de
s'enrichir par le travail.
Un certain nombre de sorciers, de charlatans, vont de village en village
et médusent. les indigènes par leurs exploits cabalistiques et merv
eilleux.
Ainsi, un couteau est enfoncé en terre par le sorcier autour duquel
la foule forme cercle. Un de ses aides l'en arrache et le lui plonge dans le
ventre. Le sang a coulé, tout le monde l'a vu (mais personne n'a remar
quqéu e le soi-disant blessé dissimulait dans sa main une vessie emplie de
sang). Le sorcier s'enveloppe de son pagne, hurle, gesticule, met sur la
plaie un enduit. Il est instantanément guéri. C'est grâce à «évei », le
fétiche protecteur des balles! La foule s'empresse d'acheter à bon prix la
boulette d'argile ou la poudre possédant ces propriétés surprenantes.1
On appelle parfois féticheuses, des femmes qui en réalité exercent la
médecine, possédant le secret de maints médicaments, tous d'origine
végétale. Le patient leur explique ses souffrances. Au prix d'un petit
cadeau, il reçoit une potion appuyée d'un conseil du genre des suivants:
« Tu prendras un oeuf dans ta main droite, tu le feras tourner autour
de ta tête et tu le jetteras à la mer » — ou bien : « Tu laisseras tes femmes »
— « Demain, tu ne boiras pas d'eau » — « Demain, tu ne sortiras pas »
Dans les tribus ou notre influence n'est pas encore définitivement éta
blie, le fétiche joue un rôle important dans les palabres.
Qu'un différend ne puisse être réglé à l'amiable, on fait intervenir le
fétiche. Le propriétaire de celui-ci se lève, en fait le tour, disant : « Si tu
attrapes l'innocent, fais-moi le mal que tu veux lui faire sans raison ». —
Alors A qui réclame, par exemple, trois boeufs à B se lève et dit : « B me
doit trois boeufs quoiqu'il prétende ne m'en devoir que deux-. Si je mens,
punis moi » — B tourne autour du fétiche, et prononce des paroles iden
tiques.
Un jour, A ressent de violentes douleurs. Le féticheur est appelé et con
sulté. — « N'as-tu pas pris le fétiche avec B ? — « Si. » — « Eh bien, ditil,
c'est toi qui es puni, toi qui as menti ».
Pour obtenir le pardon, la guérison, A devra s'acquitter envers B, et
offrir au féticheur un cadeau consistant en un mouton ou en quelques
bouteilles de vin.
GASTON JOSEPH. — NOTES SDR LBS AV1KAMS ET LES DIDAS 243
11 y a évidemment mille et une façons de subir les épreuves. Ainsi,
celle du « soleil » consiste à « jeter le soleil » dans l'oeil de l'inculpé. S'il
est coupable il ressent une brûlure (occasionnée en réalité par du piment
que pose délicatement sur les paupières celui chargé de les écarter).
Certains caractères distinctifs dans le vêtement et la parure permettent
de reconnaître les féticheurs. Physiquement même, à l'habitude, on
arrive à les distinguer aux rides et aux traits accentués du visage.
Les femmes portent en écharpes et croisées sur la poitrine des bandes
de raphia passées au noir de fumée. Elles ont aux chevilles des bracelets
faits de graines de palme évidées. Les cheveux sont longs et tombent en
mèches de tous côtés.
Les hommes ont souvent comme parure des filières de perles brunes.
Légendes et fables. — La crédulité enfantine des indigènes, leur imaginat
ionfrus te font que les légendes ont aisément prise sur eux.
Ils croient tous à l'existence de villages peuplés d' « engbés » perdus
dans la forêt impénétrable. Ce sorit, selon eux, des nains à longs cheveux
qui vivent en groupes nombreux.
J'ai rencontré des individus de la tribu Yokoboué qui m'ont soutenu
avoir été emmenés par ces êtres, et avoir vécu plus d'un mois parmi eux.
Leurs souvenirs à ce sujet sont bien imprécis. Ils m'ont raconté avoir
été pris sur le sentier, avoir bu différentes drogues, mais n'avoir jamais
été maltraités. Après un certain temps de captivité, les Engbés les ont
reconduits à l'endroit où ils les avaient enlevés.
« Zabaïro » est le géant nocturne, un être de la dimension des plus
grands arbres, qui va à travers la forêt tenant dans chaque main une
torche énorme.
Le soir fréquemment, les jeunes gens s'accroupissent autour d'une vieille
et lui«font raconter les fables du bon vieux temps ! Des roulements
de tambour marquent les phrases intéressantes qui sont reprises en
choeur. Voici l'une de celles qu'il m'a été possible de recueillir :
La femme, son enfant et le singe.
Lorsque la femme Ourou se rendait à ses plantations, elle emportait
son plus jeune enfant Beugré.
Pendant le travail, elle plaçait Beugré dans un panier non loin d'elle.
Elle remarqua, une fois, qu'un singe s'approchait du petit et s'amus
aitav ec lui.
Il l'emporta sur un arbre très haut et le garda dans ses bras jusqu'à
ce qu'elle eut fini son travail. Il le descendit alors et le déposa dans le
panier.
Les jours suivants, le singe fit de même. Ourou raconta cela à son mari
qui lui demanda de lui montrer l'animal. .
Il se rendit à la plantation armé de son fusil, se cacha et visa. Le
singe l'ayant aperçu tendit Beugré dans ses bras et cria à l'homme, ;
« Prends garde, tu vas tuer ton enfant. »
244 19 mai 1910
L'homme tira tout de même et tua son enfant. « Morale : Ne faites
jamais de mal a qui fait du bien. »
Distractions. — Les indigènes sont joueurs. Us passent des heures à
jouer au « aoualé », qui semble avoir quelque analogie avec notre jeu de
dames.
Les pions sont les fruits gris et sphériques d'une plante de brousse.
Le jeu est une pièce de bois dans laquelle sont creusées douze cavités
hémisphériques. .
Le jeu de « negbé », ou de coquillages, est également répandu sur la
côte et la région lagunaire.
Le noir des deux sexes est grand fumeur. Il adore avoir aux lèvres
une pipe de terre blanche. En signe de camaraderie, il la passe. à ses
voisins, qui en tirent quelques bouffées. Le tabac de traite a pénétré
depuis longtemps dans les tribus dont nous ne soupçonnions même pas
l'existence.
C'est avec Ips feuilles de ce tabac, mélangées avec d'autres plantes de
la forêt et du piment,, que le noir prépare la poudre à priser.
La tabatière consiste en une coquille d'escargot de brousse, grosse
comme le poing et fermée par une épine de tronc ds fromager faisant
office de bouchon.
La distraction favorite de tous les noirs de l'Afrique est la danse, avec
accompagnement de tam-tam. Celui-ci se compose d'hommes frappant à
tour de bras sur des cylindres ou des cônes de bois évidés, recouverts
d'une peau, d'hommes frappant des claquettes de fer ou de bois ou
agitant des sacs tressés en raphia, renfermant des graines ou des
cailloux.
A l'appel des tambours, curieux et danseurs arrivent. Un cercle de
spectateurs accroupis se forme, tandis que s'essayent en dandinements
variés les premiers acteurs.
Lorsque tous les danseurs sont présents, ils s'assemblent autour de
l'orchestre et se concertent sur le sujet de la danse. Voici quelques-uns
des sujets choisis :
— « Nous n'avons pas peur du diable. »
— « Après Dieu, il y a le Blanc; nous -ne craignons qu'eux. » (Tribu
Goboa.)
— « Femmes, lorsque vous allez à Lahou, soyez sages, sinon vous
apporterez des maladies au village. » (ïioko, village dida, en lagune.)
Une clameur s'élève parmi les roulements sourds. Les hommes, en file
indienne, suivis des femmes dans le même ordre, décrivent des courbes
savantes.
A la tête de la file mâle, le meilleur danseur brandit une queue de
boeuf et fait résonner sur le sol de lourds bracelets, faits de graines de
caroubier, entourant les chevilles. Lui et ses suivants portent le pagne
sur le dos, traînant à terre, noué autour- du cou. Ils l'agitent les hras
GASTON JOSEPH. — NOTES SDR LES AVIKAMS ET LES DIDAS 245"
tendus. Le tissu s'enfle au vent et l'on croirait de grands oiseaux noc
turnes.
Dans le cercle, souvent une femme experte dirige les diverses phases
de la danse, chante et ses paroles sont reprises en choeur.
Les femmes, serrées les unes contre les autres, vêtues simplement du
laka, les bras plies, semblent glisser par saccade.
Il y a une curieuse façon de se serrer la main dans toutes ces tribus.
L'un des individus saisit entre le pouce et le médium l'un des doigts de
l'autre, fait glisser celui-"ïi jusqu'à la dernière phalange et claque ses
deux doigts en l'abandonnant.
Monnaie. — La monnaie en usage est la manille dont la valeur est de
vingt centimes. C'est un arc de cercle ouvert fait d'un métal renfermant
une grande proportion de cuivre.
L'indigène lie les manilles par vingt, et compte par paquets de quatre
francs.
Il enterre sa fortune dans une de ses plantations. J'ai entendu des
vieillards raconter que les manilles provenaient de certains terrains ren
fermant un combustible analogue au charbon ! Il m'ont assuré connaître
des individus ayant pu y recueillir jusqu'à deux cents paquets (probable
menle tt résor de quelqu'un qui, avant de mourir, avait oublié d'en
indiquer l'emplacement à ses héritiers).
Cette monnaie était encore inconnue il y a quelques années des tribus
de la forêt, lesquelles pratiquaient alors uniquement l'échange.
Armes et outils. — Le. fusil de traite a pénétré dans toutes le* tribus.
La flèche a été abandonnée. Elle se trouve parait-il chez les Koukos du
Nord.
J'ai vu souvent de vieux fers de lance rouilés à une ou deux lames.
Ont-ils été fabriqués par les indigènes, je n'ai pas pu m'en assurer? On
m'a dit cependant qu'il fut un temps ou dans certains villages (Tioko
par exemple) on faisait du fer.
J'ai pu recueillir à Brahéri (tribu Goboa) un schiste taillé qui est une
hache. Cet instrument devait être non une arme mais un outil.
Comme outils, la binette est avec la matchette le plus employé, mais
cette dernière, je l'ai dit, est également une arme.
L'indigène excelle dans l'art de confectionner les pièges.
Habitation. — Chez les Avikams, les Tiakbas, les Yokoboués, les Lanzoas,
les Ménairis et les Garos, les cases sont rectangulaires avec parois
faites en nervures de feuilles de raphia serrées par des lianes de calamus
sectionnées.
Généralement l'habitation se compose de deux cases parallèles unis
à l'une de leurs extrémités par une verandah qui leur est perpendicul
airIle y .a ainsi un espace libre formant cour, au milieu duquel est un
fétiche.
L'habitation du chef n'a pas de place spéciale dans l'agglomération.
246 19 mai 1910
Le village en forêt est souvent entouré d'une solide tapade faite de
gros piquets, afin de protéger le bétail contre les panthères.
Chez les Gagbas et les Goboas, les cases sont circulaires, leurs parois
en pisé rose. Certainement plus de trente personnes habitent celle de
Kalo Tofoué, chef des Gagbas à Tiegba.
Elle comprend, en premier lieu, une piste de quinze à vingt mètres de
diamètre avec, au milieu, tin gabion protégeant un arbre et une tortue
fétiches. Puis une verandah de trois mètres et enfin de nombreuses chamb
res protégées par une toiture tressée et noircie à la fumée. Gà et là
quelques portes épaisses bien fermées le soir, car le bétail est rentré dans
la piste au coucher du soleil.
Le tout est excessivement propre.
A proximité de la case est un hangar où est déposé la réserve de bois
pour l'hivernage.
Dans les chambres, une partie surhaussée et enduite d'argile rose sert
de couchette.
Sur les murs des fresques grossières représentent des files d'individus
à la danse ou des rosaces.
Le mobilier est très sommaire. Le lit consiste en une natte ou en un
pagne d'écorce. Le siège est un tabouret plus ou moins bien travaillé.
Les plateaux a préparer le manioc, le creuset et le pilon à pétrir les
légumes, les canaris à vin de palme ou à eau complètent l'ornementat
ioden la ca se.
Occupations. — La semaine avikam est de six jours : Eddabi : Jour de
travail. Les femmes ne peuvent voyager en pirogue. Celles du littoral ne
peuvent donc se rendre à leurs plantations.
Éffi : Jour férié en souvenir des épidémies de variole qui furent un
fléau pour le pays.
Effou : Jour de travail sauf dans les pêcheries.
Emmounou ; Jour de travail.
Emmounème : Jour férié consacré au grand fétiche.
Le temps diurne est indiqué en montrant l'emplacement du soleil le
bras et la main tendus.
Les quatre principales divisions du jour sont :
taforo (matin), bissème (midi), dovia (soir), édoumini (nuit).
Les défrichements pour les plantations, la confection des cases et des
pêcheries, enfin la pêche sont les principales occupations de l'homme.
A côté de ces travaux que les nécessités de l'existence l'obligent à en
treprendre chcqu 3 année, on rencontre des fabricants de poteries, de
pirogues, de filets, etc.
Le noir de basse classe est chargé de se rendre aux palmeraies puiser
pour son maître le vin de palme et cueillir les régimes de fruits dont les
femmes tirent de l'huile.
Aux femmes reviennent les travaux d'entretien des plantations. Le
soir, elles rentrent au village la pirogue ou la hotte chargées de tuberGASTON
JOSEPH. — NOTES SUR LES AVIKAMS ET LBS DIDAS 247
culès d'ignames, de manioc ou de régimes de bananes et du bois néces
saire à la cuisson des aliments. Elles vont chercher l'eau dans de volu
mineux canaris à des sources parfois lointaines ; elles font la cuisine,
entretiennent l'habitation, ont un labeur extrêmement pénible.
Nourriture. — Les populations de la zone maritime consomment sur
tout du manioc, celles de la forêt des bananes et' des ignames, les légu
mes bouillis dans l'eau puis pétris sont mangés avec du piment et lors
qu'il y en a, avec du jus de viande ou de poisson.
Les bananes et les épis de maïs sont parfois simplement grillés.
Les populations Wigunaires sont favorisées en ce sens qu'elles peuvent
avoir presque chaque jour du poisson sinon des coquillages tels que
l'huître des palétuviers. II est vrai que le bétail est rare.
En forêt, si l'indigène peut de temps à autre capturer un animal de
brousse, goûter du cabri ou du boeuf, la majeure partie du temps il se
contente des légumes de ses plantations. Et, lorsqu'il veut du poisson,
il lui faut fréquemment se rendre à deux jours de son village, s'installer
sous un frêle abri près d'une rivière, y faire fumer le produit de sa
pèche.
Hygiène. — L'indigène n'est pas protégé contre l'humidité du milieu
qu'il habite. Son organisme n'y est pas adapté. Il est rhumatisant jeune.
Les maladies de misère sont les plus fréquentes. Le béribéri est com
mun et j'ai pu observer un grand nombre de cas de lèpre.
Des cas d'élephantiasis se rencontrent dans tous les villages. Un mé
decin des Troupes Coloniales a opéré avec succès un individu affligé d'
élephantiasis aux bourses, que je lui avais présenté. La masse enlevée
pesait dix-neuf kilos.
Le pourcentage d'individus ulcéreux est incroyable. En pays de forêt
j'ai constaté que les enfants en bas âge étaient couverts de plaies.
Les maladies vénériennes sont fréquentes, souvent héréditaires. La
variole a fait de grands ravages dans la région. La circoncision n'est pas
pratiquée. Nous devons la préconiser car il y a là en même temps
qu'une question d'hygiène absolument essentielle une question de vital
ité de race.