IL n'y a pas, judiciairement parlant, d'affaire Labite. «
À l'heure actuelle, je n'ai aucun élément qui me
laisse penser qu'il y ait eu une erreur de commise par les policiers ou
les urgentistes. » Isabelle Pagenelle, le procureur de Soissons
(Aisne) en charge de l'enquête, enchaîne, depuis vendredi,
les interviews. Depuis, en réalité, que l'association des
médecins urgentistes de France (AMUF) et SOS racisme se sont
emparé de cette dramatique histoire. Retour sur les faits.
Mercredi, 19 heures. Des policiers en patrouille interpellent deux
individus ivres dans la rue. « Nous avons appliqué le
règlement en les conduisant à l'hôpital afin de
s'assurer que leur état de santé était apte avec
un placement en dégrisement », explique un policier.
L'urgentiste, le Dr Mupapa, délivre un certificat de
non-admission. Les hommes sont amenés au commissariat et
placés de suite en dégrisement. C'est la loi, un policier
ne peut interroger une personne ivre. Il est 19 h 40. C'est vers 21
heures que l'état de santé de l'un, Laurent Labite, se
dégrade subitement. Durant ce laps de temps, l'homme est
resté seul dans sa cellule, mais pas sans surveillance. Le
règlement oblige les policiers à donner un coup
d'œil, dans les cellules occupées, toutes les quinze
minutes.
Hier, si le commissaire Boileau, à la tête
des policiers de l'Aisne, s'est refusé à évoquer
le déroulement des faits, il semble, selon nos informations, que
Laurent Labite ait été pris de troubles respiratoires,
vers 21 h 20. Les pompiers sont appelés, le Samu est averti.
Mais Laurent Labite fait un arrêt cardiaque. Les policiers
entament un massage cardiaque. Les pompiers prennent le relais vers 21
h 50. L'équipe du Samu, partie sur une autre intervention,
rebrousse chemin. Des policiers vont chercher un médecin
généraliste à son domicile pour seconder les
pompiers. À 22 h 20, lorsque le Samu arrive (deux
médecins et un infirmier), le cœur de Laurent Labite est
déjà reparti. Il est resté 20 minutes en
arrêt respiratoire.
Mais le Dr Mupapa est l'un des deux médecins du Samu. Selon
l'AMUF, le commandant dirigeant le commissariat a alors «
empêché cet urgentiste de travailler, le tutoyant :
« Tu es le docteur, c'est toi qui l'as examiné aux
urgences, tu l'as tué, je t'interdis de toucher au malade
». C'est une entrave grave à l'exercice de la
médecine d'urgence. Ils l'ont interrogé en laissant les
pompiers et l'équipe du Samu seuls. »
SOS racisme va
plus loin : « Le médecin est noir. Le chef de la police
aurait-il osé tutoyer et interrompre l'acte médical si le
docteur avait eu une autre couleur de peau ? Qui a déjà
vu un responsable de la police poser un avis sur la compétence
professionnelle d'un médecin en plein exercice de ses fonctions
? »
Les deux associations qui demandent une commission
d'enquête veulent être reçues par les
ministères de la Santé et de l'Intérieur. Les
policiers, eux, se défendent de toute obstruction. « Il
l'avait ausculté, on ne pouvait pas le laisser gérer
l'intervention dans son propre intérêt. Car on pouvait
légitimement envisager qu'une enquête judiciaire pût
être ouverte. »
La procureur martèle : «
La réanimation n'a jamais été interrompue. Ce que
je veux savoir, c'est comment l'état de santé de ce
garçon a pu se dégrader si rapidement, en deux heures.
»
Hier soir, Laurent Labite, 37 ans, était toujours
entre la vie et la mort au service de réanimation du centre
hospitalier de Château-Thierry.
Aurélie Beaussart
Article paru le : 1 février 2009
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