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Il y a 28 ans: Ahmadou Ahidjo démissionnait

Douala - 04 Novembre 2010
© Edmond Kamguia K. | La Nouvelle Expression
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C’était exactement le jeudi 4 novembre 1982 au journal de 20 heures. Il décidait de quitter ses fonctions de président de la République pour les confier à Paul Biya, son « successeur constitutionnel ». Evocations.

Ahmadou Ahidjo
Photo: © CIN Archives
Ce fameux jeudi 4 novembre 1982, un long générique avait précédé le journal de 20 heures. La démission du président Ahmadou Ahidjo fut mise en scène par ses propres soins. Un acte d’une si grande portée politique et historique, car si rare sur le continent africain.

Un an plus tôt, le président Léopold Sédar Senghor du Sénégal, alors âgé de 74 ans, avait démissionné de ses fonctions et passé le témoin à Abdou Diouf. Le président Ahmadou Ahidjo alors âgé de 58 ans devenait ainsi le deuxième président africain à quitter volontairement le pouvoir par la démission.

A propos des raisons qui auraient motivé le tout premier président du Cameroun indépendant à se retirer et à choisir Paul Biya qui était alors Premier ministre, beaucoup de choses ont été dites à cette époque. Germaine Ahidjo, la veuve de l’ancien président décédé des suites de maladies le 30 novembre 1989 à Dakar, au Sénégal, où sa dépouille repose au cimetière jusqu’à ce jour, n’a pas varié ses propos. Elle estime que personne n’a influencé la décision du président Ahmadou Ahidjo.

Histoire d’une démission

A la question d’un confrère de savoir si le président Senghor l’avait influencé dans sa décision de quitter le pouvoir, Germaine Ahidjo a répondu : « Non pas du tout. Senghor avait même envoyé à Ahidjo son directeur de cabinet, Moustapha Niasse, pour lui dire de ne pas démissionner en lui expliquant que le Cameroun, ce n’est pas le Sénégal. Ajoutant que le Cameroun avait encore besoin de lui ».

Germaine Ahidjo a même tenu à préciser dans un entretien accordé en avril 2010 à « Mutations » que son époux avait d’ailleurs l’intention de démissionner à la fois de la présidence de la République et de la présidence de l’Union nationale camerounaise (Unc, l’ancien parti unique) : « Il avait démissionné de toutes ses fonctions, y compris de celles du parti. Mais le soir, avant que la circulaire ne soit envoyée à la radio pour rendre publique sa démission, il y a le gouverneur Ousmane Mey de la province du nord et une délégation du bureau politique du parti qui sont venus le voir. Ahidjo a d’abord refusé de les recevoir. Il ne voulait voir personne. Moi je lui ai dit “ Mais reçois les “. Et lui me disait “ je sais ce qu’ils veulent “. Poursuivant son témoignage, Germaine Ahidjo ajoute qu’ « En effet, plusieurs ministres essayaient de le convaincre de prendre juste des vacances pour se reposer et reprendre les affaires plus tard. Mais ça, il n’en était pas question pour lui. J’ai insisté pour qu’il les reçoive. Il a donc accepté et les membres de cette délégation lui ont expliqué qu’il valait mieux, pour éviter le chaos, qu’il garde au moins le contrôle du parti, le temps que les Camerounais s’habituent à son départ. Je ne sais pas exactement quels arguments ils ont avancé pour le convaincre, peut-être l’idée d’un possible chaos, finalement il a accepté de rester à la tête du parti. Et c’est ainsi qu’il a téléphoné à Biya pour lui dire qu’il avait reçu les camarades du parti et qu’il pense qu’il vaut mieux qu’on attende d’abord pour sa démission du parti ».

On peut enfin comprendre pourquoi le jeudi 4 novembre 1982, le journal de 20 heures a démarré avec plusieurs dizaines de minutes de retard : « Dans l’esprit d’Ahidjo, il fallait envisager un congrès extraordinaire pour transmettre les responsabilités du parti à Biya. Mais pendant tout ce temps, à la radio, il y avait la musique qui précède le journal qui jouait et ça a duré longtemps. Car entre-temps il a fallu réécrire le communiqué pour enlever l’élément concernant sa démission de la présidence du parti », a souligné Germaine Ahidjo.

Après la démission du président Ahmadou Ahidjo, l’ancien couple présidentiel s’était rendu en France : « Ahidjo était fatigué, surmené et il avait des pertes de mémoire. Il a été hospitalisé en clinique. Je me souviens que c’était le jour de la finale de Roland Garos avec Yannick Noah. Il m’avait dit “ même si je dors tu me réveilles, je ne veux pas rater ce match “. Ce jour là, un émissaire de Biya, un attaché de la présidence, est arrivé avec un courrier pour Ahidjo. Dans cette lettre, Biya ne se souciait même pas de sa santé. Tout ce qu’il disait c’était : « Vous m’aviez dit que vous me donneriez le parti dans 6 ou 8 mois. Je crois que le moment est venu ». Ahidjo était choqué. Il estimait qu’à son retour au Cameroun prévu en septembre, cette année là (en 1983, ndlr), il lui cèderait la présidence à l’occasion d’un Congrès extraordinaire. Il a répondu qu’il ne donne pas le parti (…) Il n’y a aucune urgence. Il précisait qu’il allait rentrer en septembre et qu’ils verraient les commodités pour le transfert. Et en attendant, Biya avait les pleins pouvoirs. C’est moi qui ai posté la lettre. Dès qu’ils ont reçu la lettre, alors on a sorti les complots, toute sorte de choses (…) Ahidjo a dirigé le pays avec des gens qu’il croyait connaitre, mais il les connaissait très mal », a conclu Germaine Ahidjo



Ahmadou Ahidjo: «J’ai décidé de démissionner de mes fonctions de président de la République … »

Discours prononcé par le président Ahmadou Ahidjo le jeudi 4 novembre 1982. Message d’adieu du « père de la nation » à ses chers compatriotes.

«Camerounaises, Camerounais, mes chers compatriotes,

J’ai décidé de démissionner de mes fonctions de Président de la République du Cameroun. Cette décision prendra effet le samedi 6 novembre à 10 h. En cette circonstance capitale, je voudrais du fond du coeur remercier toutes celles et tous ceux qui, depuis bientôt 25 ans, m’ont accordé leur confiance et apporté leur aide dans l’accomplissement de mes lourdes tâches à la tête de l’Etat.

Je voudrais tout particulièrement remercier les militantes et les militants de notre grand Parti national, l’U.N.C. de leur soutien total, constant et inébranlable.

S’il reste beaucoup à faire dans la grande et longue oeuvre de construction de notre cher et beau pays, nous avons ensemble accompli après l’indépendance, la Réunification et l’Unification, des progrès considérables dans tous les domaines.

Notre pays dispose d’atouts importants. L’unité nationale consolidée, des ressources nombreuses, variées et complémentaires, une économie en expansion continue, des finances saines, une justice sociale en amélioration, une population laborieuse et une jeunesse dynamique, de solides et fructueuses relations d’amitié et de coopération en Afrique et dans le monde.

J’invite toutes les Camerounaises et tous les Camerounais à accorder, sans réserve, leur confiance et à apporter leur concours à mon successeur constitutionnel M. Paul Biya. Il mérite la confiance de tous, à l’intérieur et à l’extérieur. Je vous exhorte à demeurer un peuple uni, patriote, travailleur, digne et respecté. Je prie Dieu Tout-puissant afin qu’il continue à assurer au peuple camerounais la protection et l’aide nécessaires à son développement dans la paix, l’unité et la Justice. Vive le Cameroun ».
KHADHORMEDIA 13.01.2011 0 2372
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